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GRIBOÏEDOV ALEXANDRE SERGUEÏEVITCH (1794-1829)

Aristocrate de naissance, écrivain par vocation, diplomate pour cause d'exil, Alexandre Serguéïévitch Griboïedov était promis à la gloire littéraire lorsqu'il périt prématurément dans un massacre. Son nom demeure néanmoins lié à l'une des meilleures comédies russes : Le Malheur d'avoir de l'esprit, titre humoristique qui convient à cette personnalité aussi brillante qu'énigmatique de l'époque pouchkinienne.

Une vie trop brève pour épuiser le génie

Né à Moscou dans une famille aristocratique, Griboïedov reçoit une excellente éducation et une formation où se mêlent la musique et les lettres, les sciences et le droit. Il fréquente la haute société moscovite dont il partage l'existence fastueuse, avec ce curieux mélange, hérité du xviiie siècle, de « civilisation » et de « barbarie », le meilleur de la culture européenne coexistant avec le servage et une servilité tout « orientale » vis-à-vis du pouvoir : c'est Moscou « d'avant l'incendie » (de 1812) qu'il immortalisera dans Le Malheur d'avoir de l'esprit (Gore ot uma).

En 1812, lors de l'invasion française, il s'engage. Mais de la guerre il connaîtra surtout la « vie de hussard », à laquelle succède bientôt la vie du dandy, brillant et insolent. De cette époque datent quelques comédies : Molodye suprugi (Les Jeunes Époux, 1815), Svoja sem'ja ili zamužnaja nevesta (En Famille, ou la Fiancée mariée), Pritvornaja nevernost' (Les Fausses Infidélités), généralement adaptées du français, parfois écrites en collaboration et sans grande originalité. Mais il a de plus grands projets littéraires et travaille déjà au Malheur d'avoir de l'esprit. Il fait la connaissance de Pouchkine et fréquente la jeunesse dorée de la capitale, qui appartient à la génération des futurs décembristes, dont il partage beaucoup d'idées et peut-être quelques espoirs. En 1817, une tragique affaire de duel l'oblige à quitter Saint-Pétersbourg et à accepter un poste de secrétaire de mission diplomatique en Perse. C'est le début des années de « monastère diplomatique » à Tabriz et à Téhéran.

C'est durant un long congé à Moscou et à Saint-Pétersbourg qu'il achève Le Malheur d'avoir de l'esprit, qui d'emblée lui donne la gloire. De retour en Orient sous les ordres de son parent le général Paskiévitch, il participe aux opérations militaires et surtout à l'activité diplomatique ; sa connaissance de la langue et des usages de la Perse le rend indispensable, et c'est en partie grâce à lui que la Russie peut imposer le dur traité de Tourkmentchaï (1828). Accueilli en triomphateur à Saint-Pétersbourg, admiré et choyé dans tous les cercles littéraires, nommé ministre plénipotentiaire à Téhéran, il repart plein de sombres pressentiments ; quelques mois après son mariage à Tiflis avec la jeune princesse géorgienne Nina Tchavtchavadzé, il est de nouveau à Téhéran, en butte aux pires difficultés, exigeant la lourde indemnité de guerre prévue par le traité.

Son intransigeance le perdra : le 30 janvier 1829, il est massacré avec toute la légation russe lors d'une émeute populaire. En lui disparaît, selon le mot de Pouchkine, « l'un des hommes les plus intelligents de Russie ».

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Autres références

  • RUSSIE (Arts et culture) - La littérature

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    ...décembristes Kondrat Ryleïev (Ryleev, 1795-1826) et Wilhelm Küchelbecker (1797-1846), le plus remarquable représentant de cette tendance est Alexandre Griboïedov (Griboedov, 1795-1829), dont la comédie Gore otuma (Le Malheur d'avoir trop d'esprit, 1825) reste classique par la forme malgré...