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ALEXANDRIE

Fonctions d'Alexandrie

La capitale de la monarchie lagide n'est pas seulement, en effet, une ville administrative. Pour parler comme Strabon (XVII, i, 6-18), c'est le « comptoir du monde ». C'est dire que le cosmopolitisme de cette ville tenait avant tout à son rôle de centre du commerce méditerranéen. Alexandrie draine les richesses de l'Égypte, qu'elle exploite par un système savant sur lequel le roi a mis son emprise. Le territoire d'Alexandrie – car toute ville antique vit de la région dont elle est maîtresse – n'est pas telle portion de plaine, c'est le pays tout entier.

Dans la société ainsi constituée pour l'exploitation de l'Égypte, le roi apporte son prestige et son pouvoir, Alexandrie ses capitaux, ses banquiers, ses techniciens, ses juristes et ses scribes. Le roi ouvre des voies nouvelles, vers l'Afrique par exemple, ou garantit la sécurité des routes, notamment celle qui passe par les Cyclades et qui mène en Ionie ; la monnaie du roi est celle de la ville. Le commerce ne peut que se louer de cette association du roi et des Alexandrins.

Pour faire ce commerce, Alexandrie disposait de vastes entrepôts, que la langue grecque des papyrus appelle des trésors, et ces greniers publics avaient des fonctions analogues à celles des banques. Ils étaient gérés par des sitologues qui pouvaient, par exemple, recevoir le blé que leur confiaient en dépôt des particuliers et, moyennant une légère rémunération, exécuter pour eux des paiements. Une partie du blé d'Égypte servait à l'approvisionnement de la ville – organisé par un exégète – d'où dépendait, en définitive, la tranquillité des habitants. Une grande partie était exportée et les empereurs romains savaient bien que le blé d'Égypte était indispensable à Rome. (Pour éviter qu'en confisquant le blé un haut personnage ne puisse ainsi affamer Rome et, qui sait ? s'emparer du pouvoir, la loi romaine avait interdit aux sénateurs de pénétrer en Égypte.) Alexandrie était aussi pourvue d'apothèques, c'est-à-dire de magasins où l'on entreposait des céréales et des livres. Selon Dion Cassius, c'est l'incendie de ces dépôts qui aurait communiqué le feu à la bibliothèque célèbre. Les apostases étaient une suite et une dépendance des arsenaux et des chantiers de la marine. Un certain nombre de marchés (emporia) se prêtaient à la vente des différents produits. Enfin il y a tout lieu de penser qu'outre la place publique située à l'intérieur de la ville, une agora marchande était annexée au port, comme c'était le cas à Cnide, à Halicarnasse et au Pirée. Le commerce était encore facilité par l'existence de deux ports, c'est-à-dire par la possibilité d'accoster par tous les temps, que le vent soufflât de l'est ou de l'ouest. Comme l'a bien montré Louis Robert (Hellenica, XI-XII, pp. 263-266), « c'était pour une ville antique un site de préférence que celui qui permet, grâce à une presqu'île et à un isthme, d'établir deux ports, dont l'exposition différente assure un abri suivant la direction du vent ». S'il est vrai qu'il existe un déterminisme géographique, on peut dire qu'il imposait à Alexandrie cette vocation commerciale qui fit sa fortune.

Ville commerciale, Alexandrie est en même temps une ville industrielle. En grec ancien, le mot ergasterion, si fréquent dans les papyrus, désigne une boutique, une échoppe, mais aussi un atelier, une fabrique. La ville regorgeait d'ateliers de toutes sortes, qui étaient groupés par spécialités et par rues. Parmi les multiples industries artisanales de la ville, il faut citer celle du verre, dont Strabon (XVI, 25) nous apprend qu'elle était favorisée par la nature du sable vitrifiable qu'on trouvait en Égypte ; celle de la [...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du Centre d'études alexandrines
  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut de géographie du Proche et Moyen-Orient, Beyrouth

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Égypte : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Égypte : carte administrative

Ruines d'Alexandrie, 1882 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Ruines d'Alexandrie, 1882

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-600 à -200. Philosophes et conquérants

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