KHOMIAKOV ALEXEÏ STEPANOVITCH (1804-1860)
Dans la Russie de la première moitié du xixe siècle, les intellectuels s'interrogeaient sur la signification de leur patrie. Les uns rêvaient de l'occidentaliser radicalement, les autres de revenir aux sources idéalisées de la culture nationale. Khomiakov sut dépasser les nostalgies slavophiles pour dégager, à la faveur du dialogue inévitable avec l'Occident, l'originalité et, pour ainsi dire, la fraîcheur créatrice de l'Orthodoxie. Cet écrivain, qui fut ardent slavophile et homme de spiritualité, inspira, pour une part, certaines réformes tsaristes et rénova l'« ecclésiologie de communion », dont la fortune est grande aujourd'hui dans le christianisme occidental, surtout depuis le IIe concile du Vatican. Cependant, Khomiakov vivait dans une Russie relativement stable et qui ne connaissait pas encore l'athéisme ni les bouleversements de l'industrie. Cela explique peut-être l'absence dans sa pensée des thèmes du mal et de l'eschatologie. Il n'a pas non plus explicité suffisamment les fondements sacramentels de l'ecclésiologie. Mais il reste celui qui a retrouvé le sens de la communion et d'une connaissance vivante et qui a affirmé cette vérité libératrice que Dieu ni l'Église ne sont autorité, mais source de lumière.
Un gentilhomme théologien
Alexis Stephanovitch Khomiakov, né à Moscou, appartient à cette noblesse de service qui, dans la Russie de Pierre le Grand, a été longtemps le seul milieu vraiment cultivé. D'une foi virile, il se montre ouvert à la vie. Il étudie les mathématiques et les sciences naturelles à l'université de Moscou, sert dans la cavalerie, démissionne en 1825 pour voyager en Europe occidentale, « la contrée des saintes merveilles », reprend du service en 1828 pour libérer de la domination turque les chrétiens des Balkans, puis, la guerre finie, s'installe dans ses domaines de Bogucharovo et de Lipitzy.
Ce chevalier qui ne frappait jamais l'ennemi en fuite apparaît alors comme un homme de la Renaissance. Fermier attentif à la condition des paysans, il s'initie, pour leur venir en aide, à la médecine et à l'agriculture, et il invente une machine agricole. Il milite pour l'abolition des châtiments corporels et de la peine de mort et pour la libération des serfs, mesure qu'il avait lui-même adoptée sur ses terres. Il étudie les philosophes de son époque et les Pères de l'Église, écrit des poèmes lyriques, compose un vocabulaire des mots russes apparentés au sanskrit, accumule des « Notes sur l'histoire universelle » qui témoignent d'une bonne connaissance des traditions asiatiques et, en même temps, ébauchent toute une philosophie de l'histoire. Théologien laïc, selon une tradition bien établie chez les orthodoxes, il rédige en grec son traité L'Église est une, et en français de nombreux articles où il prend la défense de l'Orthodoxie. Causeur éblouissant, il « combattait sans fatigue ni cesse, taillait et pointait, attaquait et poursuivait, répandait citations et mots d'esprit », ainsi que l'écrit Alexandre Herzen, son adversaire et ami. Khomiakov meurt prématurément lors d'une épidémie de choléra à Ternovskoïe (district de Kazan).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Olivier CLÉMENT : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
Classification
Autres références
-
SLAVOPHILES
- Écrit par Daria OLIVIER
- 1 216 mots
Important courant de pensée sociale et politique russe, entre les années 1840 et 1860, le mouvement des slavophiles naît d'une querelle historique avec les occidentalistes. Ce terme d'occidentalistes (à l'origine un sobriquet) est toujours couplé avec celui de slavophiles, mais tous deux sont arbitraires...