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MEINONG ALEXIUS VON (1853-1920)

Il suffit de comparer les appréciations de Husserl et de Russell sur l'œuvre de Meinong pour comprendre que celui-ci a paradoxalement développé son influence sur la philosophie analytique anglo-saxonne plutôt qu'il n'a contribué au mouvement phénoménologique.

Fondateur du premier laboratoire autrichien de psychologie (1894), il joue un rôle non négligeable dans la formation de la psychologie de la forme. Il se rend compte assez vite que ses recherches concernent des questions épistémologiques et éthiques et qu'elles accentuent une certaine démarche philosophique. Dans le livre publié en 1904 pour le dixième anniversaire de la fondation du laboratoire de Graz, Meinong développe sommairement l'idée, la nature et la légitimité d'une discipline nouvelle : dès 1902, il avait donné le nom de Gegenstandstheorie à une science universelle a priori de portée plus large que la métaphysique. À partir de 1904, l'auteur se consacre aux problèmes qui se posent dans ce nouveau domaine d'investigation appelé « théorie des objets ». Celle-ci allait rejoindre d'autres efforts de la philosophie contemporaine pour rétablir à nouveaux frais la discipline philosophique menacée par l'essor des sciences humaines et singulièrement de la psychologie comme science inductive du mental.

La formation du système

Alexius von Meinong est né à Lemberg en Autriche. À l'université de Vienne, en 1870, il commence, comme Hume, par s'intéresser à l'histoire, à l'économie et au droit. Ses deux Hume Studien, conçues sous la direction de F. Brentano, la première sur la théorie de l'abstraction (1877), la seconde sur la théorie des relations (1882), décidèrent de sa carrière de philosophe. Privatdozent à Vienne de 1878 à 1882, où il fut le maître de C. von Ehrenfels, il sera nommé ensuite professeur à Graz (1889).

Dans un de ses ouvrages Über Philosophische Wissenschaft und ihre Propädeutik (1885), Meinong discute la nature de la recherche philosophique. Celle-ci, plus qu'une unique science totale et compréhensive, est pour lui un groupe de sciences réunies par un caractère commun : un certain rapport avec des « expériences intérieures ». Non que Meinong assigne à la psychologie une position prédominante ; comme Husserl, il stigmatise le psychologisme, qui désigne l'application non pertinente de la méthode psychologique. Mais le champ entier de l'expérience peut être traité philosophiquement du point de vue de la relation au sujet pensant. La question fondamentale de la philosophie devient celle de savoir quelles relations l'esprit humain entretient à l'égard de la réalité ; et les différences générales qui peuvent apparaître dans ces relations – d'ordre cognitif, pratique, esthétique – constitueraient les divisions naturelles de la philosophie. Comme seul le processus de connaissance, pense l'auteur, conditionne le rapport de l'esprit au monde, c'est lui qui est condition de possibilité des activités esthétiques et pratiques. Mais la question du « connaître » peut se poser selon deux directions : en tant qu'il est un processus naturel dans la vie d'un esprit individuel, avec ses facteurs physiques et mentaux ; en tant qu'il représente une forme de pensée objectivement valide. Progressivement, Meinong découvre que ces deux recherches – psychologique et épistémologique – maintenues distinctes pourront néanmoins se rejoindre dans la théorie des objets. On peut distinguer dans la formation de celle-ci trois étapes.

La réflexion sur la théorie humienne de l'abstraction conduit d'abord Meinong à admettre une opposition radicale entre le connaître et le connu. Un objet connu ne saurait être identique au processus du connaître ; et, si la connaissance implique la reconnaissance de relations entre les éléments du connu, il convient d'admettre[...]

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