MUCHA ALFONS (1860-1939)
L'œuvre du peintre et dessinateur tchèque Alfons Mucha incarne la Belle Époque et son style : l'Art nouveau. Célèbre pour ses affiches de spectacle, d'exposition, ou présentant des produits de consommation courante, l'artiste est aussi un dessinateur d'ornements et de caractères typographiques attentif au renouveau du livre et un décorateur concevant bijoux, vitraux, meubles, services de table, stands d'exposition ou magasins. Sa renommée décline à mesure que l'Art nouveau se démode et que s'estompe une des qualités majeures de ce mouvement : intervenir dans tous les domaines des arts appliqués. À partir des années 1910, et jusqu'à la fin de sa vie, il se consacre essentiellement à la peinture. De retour à Prague, il apparaît comme une figure emblématique de la Tchécoslovaquie indépendante après 1918.
Un art destiné au peuple
Alfons Mucha naît le 24 juillet 1860 à Ivancice, en Moravie, dans l'Empire austro-hongrois. Après des études à Brno, où sa passion du dessin s'affirme, il travaille dans une entreprise de décoration à Vienne, acquérant une excellente maîtrise de la gouache et se familiarisant avec l'univers du théâtre. En 1881, le comte Khuen-Bellassi lui commande des fresques pour sa demeure, puis finance la poursuite de ses études, d'abord à l'académie des Beaux-Arts de Munich, puis à Paris à partir de 1888, à l'académie Julian et à l'académie Colarossi. L'aide de son mécène s'achevant en 1889, Mucha doit trouver des commandes et réalise alors ses premières illustrations pour des périodiques et des calendriers publicitaires.
À la fin de 1894, l'imprimeur Lemercier lui confie la réalisation d'une affiche pour une pièce de Victorien Sardou, Gismonda, dont Sarah Bernhardt est la vedette au théâtre de la Renaissance. Dans un format oblong inhabituel, l'affiche fait sensation : la célèbre tragédienne est représentée en pied, grandeur nature, au centre d'une composition extrêmement fouillée et ornementée s'apparentant à une mosaïque. « Au charivari des couleurs » du peintre et lithographe Jules Chéret, Mucha oppose, avec Gismonda, « l'affiche claire et blanche comme un lis », selon le critique Charles Saunier. Elle ouvre une longue période de collaboration avec l'actrice, surnommée La Divine, pour laquelle il réalise La Dame aux camélias (1895), Lorenzaccio (1896), La Samaritaine (1897), Médée (1898), La Tosca (1898), Hamlet (1899), ainsi que des costumes et des bijoux de scène.
Outre les affiches de théâtre, Mucha, désormais sous contrat avec l'imprimerie Champenois, s'attelle à de nombreuses commandes pour des produits de consommation courante : biscuits Lefèvre-Utile, papier à cigarettes Job (à partir de 1896), bières La Meuse (1897), ainsi qu'à des réclames pour les cycles Perfecta (1897), la liqueur Bénédictine (1898) ou les champagnes Moët et Chandon (1899). Champenois excelle dans la technique de la chromolithographie et décline sans les trahir ses créations sur tous les supports possibles : calendriers, menus, programmes, cartes postales, emballages, éventails, etc. Par ailleurs, l'imprimeur est spécialisé dans la production d'estampes décoratives qui connaissent un succès grandissant à la Belle Époque. Mucha en réalise plusieurs séries sur des thèmes tels que « Les saisons », « Zodiaque », « Les arts », « Les pierres précieuses », « Les moments du jour », qui lui permettent de développer tous les motifs de l'Art nouveau. Ces estampes seront ensuite reprises sous forme de calendriers ou de cartes postales. Dans la lignée du mouvement Arts and Crafts, Mucha revendique ces travaux publicitaires et ces visuels décoratifs comme un moyen de diffusion du « Beau » auprès du plus grand nombre ; « j'étais heureux de m'être engagé dans un art destiné au peuple et non à des salons fermés »,[...]
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Écrit par
- Michel WLASSIKOFF : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris
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Média
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