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SASTRE ALFONSO (1926-2021)

Né le 20 février 1926 à Madrid, le dramaturge espagnol Alfonso Sastre compose, avec Antonio Buero Vallejo, Alfonso Paso, Lauro Olmo, J. M. Recuerda, Antonio Gala, la génération du réalisme social des années 1950. Son théâtre, marqué par l'influence de Sartre, Camus, O'Neill, Peter Weiss..., présente des situations où l'individu se trouve affronté à un destin tragique.

En 1945, Sastre fonde avec quelques amis une troupe théâtrale qui représente ses deux premières pièces : Uranio 235 (1946) et Cargamento de sueños (1948). Joué en 1953 à Madrid, sous le régime de Franco, par le Teatro popular universitario dirigé par Pérez Puig, Escuadrahacia la muerte, est interdite après la troisième représentation. Dans cette œuvre, une escouade de soldats condamnés à mort est envoyée en mission-suicide. Le chef d'escouade est assassiné. L'union des soldats se désagrège après ce meurtre. Chacun doit alors affronter isolément l'absurdité de son destin. Le conflit du principe d'autorité et du principe de liberté reste sans solution. Cette pièce connaît alors un retentissement considérable dans l'Espagne franquiste. El Pan de todos (1955) a pour protagoniste un communiste qui se suicide après avoir tué sa mère. L'auteur, communiste lui-même, ne comprit pas que sa pièce puisse être jugée anticommuniste. La Mordaza (1954) transposait déjà au sein de la famille le problème de la tyrannie : un vieil homme empêche les siens de dénoncer le crime qu'il a commis. La pièce, qui dénonçait le bâillon (mordaza) de la dictature, fut interprétée comme un simple drame rural. Responsabilité et culpabilité, liberté, autorité, tyrannie : telle est la trame thématique essentielle du théâtre de Sastre. Une vendetta entre deux familles, dans une petite île de la Méditerranée, est le nœud dramatique de Asaltonocturno (1959). Ici encore, il s'agit de venger des exactions commises sans scrupules ; mais la responsabilité se propage en chaîne à travers les générations, et la tyrannie sans frein entraîne une spirale infinie de violence. Centrée sur la fiesta nacional, la course de taureaux, La Cornada (1960) veut recréer le mythe de Saturne et de Chronos. Les toreros livrés à la rapacité des foules et à la cupidité des organisateurs de courses sont le symbole de la société dévorant, pour survivre, ses propres créatures. Dans La Sangre de Dios (1955) ou En la red (1961), les préoccupations sociales ou politiques prédominent encore. Mais Alfonso Sastre a délaissé parfois ces thèmes idéologiques au profit d'un théâtre plus expérimental. Dans Ana Kleiber (1955), l'auteur lui-même devient l'un des personnages. El Cuervo (1956) reflète le même fait divers dramatique – l'assassinat d'une femme et l'enquête judiciaire – de deux façons différentes selon qu'il s'agit des protagonistes ou des témoins du crime. La Sangre y la ceniza o Diálogos de Miguel Servet (1965), l'une des pièces les plus ambitieuses de Sastre, met en scène les procès et l'exécution de Miguel Servet, médecin espagnol condamné à mort, brûlé vif à Genève en 1553 et rejeté simultanément par l'Église catholique et par l'Église protestante. Un thème qu'on retrouvera dans La Columna infame (1986). Alfonso Sastre est aussi l'auteur d'importants essais critiques : Drama y sociedad (1956) ; Anatomíadelrealismo (1968) ; La Revolución y la crítica de la cultura (1970) ; Crítica de la imaginación (1978) ; Las Dialécticas de lo imaginario (2000), Los Intellectuales y la Utopia (2002).

Alfonso Sastre meurt le 17 septembre 2021 à Fontarrabie (Hondarribia).

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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