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ANDRIOLA ALFRED (1912-1983)

Né en 1912, Alfred Andriola, après des études de journalisme, se retrouve un peu par hasard dans le studio de Noel Sickles, un important auteur de bande dessinée réaliste des années trente à qui l'on doit essentiellement Scorchy Smith, série méconnue en France mais célèbre aux États-Unis ; dans ce studio débute aussi Milton Caniff. Quand Caniff monte son propre studio et lance la série qui va faire de lui une des grandes stars de la bande dessinée américaine, Terry et les pirates, en 1934, Andriola le suit et lui sert d'assistant jusqu'à l'entrée en guerre des Américains. Terry, dont le sujet est d'actualité (la vie des aviateurs pendant la guerre), est lu par tous les soldats du front.

Entre-temps, Andriola vole de ses propres ailes : il a créé, en 1938, sa propre série, pour le McNaught Syndicate, une des principales agences de l'époque, qui va la diffuser dans un grand nombre de journaux. C'est Charlie Chan. Le personnage est déjà légendaire. Les romans de Earl Derr Biggers ont connu un immense succès ; le cinéma s'en est emparé, et Charlie Chan, sous les traits de l'acteur Warner Oland, au physique si caractéristique du Chinois malicieux de légende, est un des fleurons du « suspense » au grand écran. Une première bande dessinée tirée des romans a vu le jour dans le Washington Post, mais sans lendemain. Quand Alfred Andriola s'empare du personnage, il se sert lui aussi du visage énigmatique de Warner Oland. Le succès de la bande est immédiat. C'est Andriola lui-même qui fait tout, réalisant à la fois les daily strips (feuilletons quotidiens sous forme de bandes de trois à quatre images) et les sunday strips (planches entières hebdomadaires, parfois en couleurs) ; Milton Caniff et Noel Sickles l'ont simplement aidé au tout début : Andriola leur doit beaucoup. Certains personnages semblent sortis tout droit de Scorchy Smith ou de Terry.

En 1942, Andriola crée un éphémère personnage, Dan Dunn, qui ne vit qu'un an. Puis il se lance, pour le Publishers Syndicate, dans la longue saga de Kerry Drake, qu'il a continuée jusqu'à sa mort, aidé par Mel Casson. Cette série est moins connue en France qu'aux États-Unis où elle n'a pourtant pas rendu le nom de Andriola plus célèbre : il l'a publiée en effet sous le pseudonyme de Alfred James. Quarante ans durant, il lui restera fidèle, ne créant plus que d'épisodiques personnages comme ceux de It's Me Dilly (en 1957) ou de Ever since Adam and Eve (en 1955).

Toutefois, le meilleur de Andriola reste Charlie Chan. En France, on a pu lire ses aventures dans les grands illustrés d'avant-guerre, les Junior, L'Aventureux, Jumbo. On les classe sans problème dans ce qu'il est convenu d'appeler l'« âge d'or américain ». À cette époque, déjà, les liens entre la bande dessinée et le cinéma étaient très forts : on retrouve dans Charlie Chan non seulement l'esprit, mais l'atmosphère même des films noirs des années 1930 qui en fait aujourd'hui tout le charme.

— Yves FRÉMION

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