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MUSSET ALFRED DE (1810-1857)

Dans les manuels, Musset a longtemps figuré parmi les quatre grands romantiques français, après Hugo, avec Lamartine et Vigny. Les collégiens savaient par cœur La Nuit de mai et La Nuit de décembre, et plus d'un en reçut la révélation pathétique de l'amour, de la souffrance et de la poésie.

Depuis lors, sa cote a baissé et son mythe s'est effacé ; d'autres l'ont remplacé.

Alfred de Musset - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Alfred de Musset

Et pourtant, par certains aspects, Musset n'était pas si éloigné de Baudelaire ; il portait, lui aussi, jusque dans sa névrose, le signe de la modernité, et le Poète déchu annonçait le Poète maudit. On doit surtout s'étonner qu'un critique aussi pénétrant que Baudelaire ait pu ne pas s'apercevoir que Musset édifiait, sous ses yeux, une œuvre dramatique qui allait défier le temps. En effet, celle-ci, d'abord réputée injouable, est presque la seule à tenir debout parmi les décombres du théâtre romantique. Ce qui avait fait la gloire de Musset a passé, mais Lorenzaccio a pris place au rang des classiques de la scène, et tout donne à penser qu'il y restera.

L'enfant du siècle

Né à Paris, d'une famille aisée, introduit à moins de dix-huit ans, après d'excellentes études, dans le cénacle de la jeune école littéraire, accueilli par Lamartine, par Hugo, par Nodier, bientôt lié d'amitié avec Vigny, Sainte-Beuve et Mérimée, Musset fait, dans la poésie et dans le monde, les débuts les plus brillants et les plus faciles. Tout lui sourit. Il n'a pas vingt ans quand on publie ses premiers vers. Ses parents lui donnent les moyens de mener le train de vie d'un dandy, ses amis admirent son esprit, son élégance et ses espiègleries, les femmes ne restent pas insensibles à sa silhouette svelte et à ses beaux cheveux blonds. Tel l'a représenté, déguisé en page, une gravure célèbre d'Achille Devéria ; il gardera toujours, dans sa personne et dans son œuvre, quelque chose de cet adolescent désinvolte et charmant, volontiers cynique à la manière d'un libertin du xviiie siècle, Faublas ou Casanova, avide de plaire, d'aimer et d'être aimé, confiant en ses dons, mais sensible au moindre revers, et si fragile, au moral comme au physique : un adolescent perpétuel, qui ne parviendra jamais à assumer sa condition d'homme.

À cette image véridique s'en superposeront par la suite plusieurs autres, très différentes, mais qui n'effaceront pas la première. Dans ses poèmes, ses essais, ses contes, ses pièces de théâtre, aussitôt publiés qu'improvisés, Musset semble prendre plaisir à brouiller les pistes, prompt à brûler ce qu'il vient à peine d'adorer, accablant de railleries, comme dans les Lettres de Dupuis et Cotonet (1836-1837), ses camarades romantiques et le romantisme tout entier, adoptant tour à tour, à visage découvert ou sous le masque de ses personnages, le ton et les attitudes d'un libertin et ceux d'un amant pathétique, accablé de souffrance et hanté par la mort. Si prompt à passer d'une apparence à l'autre qu'on s'essoufflerait à chercher une évolution ou un progrès décisifs. Il faut bien se convaincre que sa sensibilité, ses goûts, ses idées, que sa nature même sont tissés de contradictions. Et comme il possède de grandes réserves d'intelligence, il ne cesse de s'observer, tantôt ironique et tantôt attendri, habile à distinguer les penchants contraires qui le divisent, à leur donner à chacun un visage et à les faire dialoguer : dialogue de Cœlio, le pur, et d'Octave, le libertin, dans Les Caprices de Marianne (1833), du Poète et de la Muse dans Les Nuits (1835-1837). Mais il arrive aussi que ce dédoublement aille jusqu'à la présence obsédante d'un autre, d'un double, comme dans la vision hallucinatoire de La Nuit de décembre.

Jamais Musset n'a poussé plus loin son[...]

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Écrit par

  • : inspecteur général honoraire de l'Instruction publique, ancien élève de l'École normale supérieure

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Alfred de Musset - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Alfred de Musset

<em>On ne badine pas avec l'amour</em> d'A. de Musset, mise en scène de René Clair - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

On ne badine pas avec l'amour d'A. de Musset, mise en scène de René Clair

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