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DELLER ALFRED (1912-1979)

Alfred Deller - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Deller

Le contre-ténor britannique Alfred Deller occupe dans le domaine de la voix une place analogue à celle de Wanda Landowska dans le domaine du clavecin ou d'Andrés Segovia dans celui de la guitare : il a ressuscité une tessiture vocale tombée en désuétude pendant près de deux siècles, celle de contre-ténor. Cependant, « avec Deller ne commence [...] pas seulement la renaissance d'une voix mais aussi celle de „sa“ musique anglaise : la chanson élisabéthaine comme la musique vocale de Purcell » (René Jacobs, La Controverse sur le timbre de contre-ténor).

If Music be the Food of Love

Né le 31 mai 1912 à Margate, dans le sud de l'Angleterre, Alfred George Deller pratique le chant choral dans sa paroisse et reçoit une formation musicale sommaire. Après sa mue, il découvre qu'il possède toujours une voix aiguë qui lui permet de chanter aisément les parties d'alto. Cependant, personne ne peut se charger de sa formation vocale car ce type de voix (contre-ténor) a disparu depuis le xviiie siècle. Il décide donc de se forger seul une technique en s'appuyant sur des documents anciens qui lui révèlent comment travaillaient et comment chantaient ses homologues deux siècles plus tôt. Il découvre en même temps les bases de son futur répertoire. En 1938, il devient alto solo dans les chœurs de la cathédrale de Canterbury. C'est là que Michael Tippett – comme lui pacifiste et objecteur de conscience – l'entend en 1943, et est enthousiasmé par les possibilités de cette voix : « Les siècles s'étaient alors comme évanouis ; la voix de Deller n'était semblable à aucun autre son en musique et véritablement d'une intrinsèque musicalité. » Selon Ivan A. Alexandre (2004), « Deller est né le dimanche 29 septembre 1946 à 20 h 36 lorsque [sur l'antenne de la B.B.C. Third Programme] l'Angleterre entendit „sous sa forme originelle“ l'incipit d'une ode composée par Henry Purcell deux siècles et demi plus tôt, Come ye Sons of Art, et découvrit une voix dont elle ne voudrait plus se passer. » En 1947, Alfred Deller obtient un poste d'alto solo dans les chœurs de la cathédrale Saint Paul à Londres (il y restera jusqu'en 1961). Sa carrière est lancée. Les 13 et 18 mars 1949, il grave son premier disque, un 78-tours pour His Master's Voice, qui comporte deux œuvres de Purcell emblématiques de son parcours : Music for a While et If Music be the Food of Love. Il fonde en 1950 son propre ensemble vocal et instrumental, le Deller Consort, ensemble de madrigalistes qui redonne vie au répertoire ancien en le restituant dans une interprétation aussi authentique que possible.

Grâce à cet ensemble, dont seuls Alfred Deller et le baryton Maurice Bevan feront partie du premier au dernier jour, les musiques de la Renaissance au xviiie siècle prennent un visage nouveau qui enthousiasme d'emblée les Britanniques. En France, l'intérêt se manifeste plus tardivement et c'est seulement au milieu des années 1960 qu'Alfred Deller impose véritablement ses conceptions de la musique ancienne. Il travaille avec les musicologues qui cherchent et restituent les œuvres qu'il chante (Thurston Dart, Anthony Lewis, Gustav Leonhardt...). Il fait école et forme une génération nouvelle de contre-ténors (dont son fils, Mark Deller, né en 1938) qui permettra à son œuvre d'être poursuivie. En 1963, il fonde le Stour Music Festival qui se tient dans le petit village de Boughton Aluph (Kent) et y attire Gustav Leonhardt, Nikolaus Harnoncourt, Frans Brüggen... À partir de 1971, ses cours d'été à l'abbaye de Sénanque puis à Lacoste, dans le Luberon, sont le rendez-vous de chanteurs et de musiciens passionnés qui viennent découvrir la richesse d'un enseignement très exigeant : le texte doit être parfaitement intelligible, le phrasé aérien, le timbre cristallin ; l'effort ne doit pas se remarquer.[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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Média

Alfred Deller - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

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