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MÉTRAUX ALFRED (1902-1963)

Né à Lausanne, où il commença ses études après avoir vécu une partie de son enfance en Argentine (son père exerçait la médecine à Mendoza), Alfred Métraux poursuivit celles-ci à Paris, à l'École des chartes, où il se lia d'une durable amitié avec Georges Bataille et Michel Leiris. Il étudia aussi à l'École des langues orientales, à la Ve section (sciences religieuses) de l'École pratique des hautes études et à la Sorbonne, où il fut l'élève de Marcel Mauss et de Paul Rivet, avant d'y être reçu docteur ès lettres en 1928. Il séjourne ensuite en Suède, à l'université de Göteborg, mais son « besoin d'être ailleurs » le conduit à nouveau en Argentine, où il dirige l'Institut d'ethnologie de l'université de Tucumán. Puis il gagne l'île de Pâques, dans le Pacifique-Sud, comme membre d'une expédition française (1934-1935). Il en reviendra avec la matière d'un ouvrage important, L'Île de Pâques (1941), dans lequel il affirme le caractère polynésien, et non pas asiatique ni américain, de la civilisation qui s'y est manifestée. Les charges qu'il assume aux États-Unis de 1941 à 1945, comme membre du Bureau of American Ethnology à la Smithsonian Institution de Washington, lui permettent de conduire des recherches sur les paysans sud-américains et d'entreprendre des voyages du Mexique au Chili, qui seront la source de nombreux travaux, publiés notamment dans le Manuel des Indiens sud-américains (Handbook of South American Indians, 1946-1959). Sa curiosité historique et son « vécu ethnographique » s'expriment alors dans les intelligentes synthèses qu'il propose des sociétés amérindiennes, comme celle des Tupinamba de la côte brésilienne (édition posthume, Religion et magies indiennes d'Amérique du Sud, 1966). Claude Lévi-Strauss a résumé ainsi l'une des constantes de la méthode de Métraux : « S'entourer de tout l'appareil critique, de toute la masse des informations disponibles, l'analyser, la dépouiller, la discuter, la classer, l'exploiter ; ensuite vérifier tout cela par l'expérience du terrain, et ne jamais céder aux complaisances de l'imagination, trop encline aux reconstructions fantaisistes... »

En 1946 et jusqu'en 1962, A. Métraux est fonctionnaire international à l'O.N.U., puis à l'U.N.E.S.C.O. où il consent à faire un effort important pour rendre accessible son savoir. Il publie des articles sur le racisme et entreprend plusieurs enquêtes de terrain en Amazonie, en Haïti et en Bolivie, où il analyse les problèmes de la paysannerie, notamment le rapport à la terre, les contraintes écologiques, le peuplement et les migrations. En toute occasion, il rappelle qu'il est, selon le mot de R. Bastide, un « ethnologue complet », prenant en compte les techniques matérielles, l'organisation sociale, les mythes et les rites religieux. Son ouvrage sur Le Vaudou haïtien (1958), qui est le fruit de sa mission en Haïti, où il avait retrouvé M. Leiris, en 1948, décrit cette religion dans la complexité de sa structure, dans ses liens avec ses origines africaines et sans son intrication ambiguë avec le catholicisme de l'île. En plus d'une abondante œuvre écrite, dont on peut encore citer Les Incas (1962), A. Métraux a fait plusieurs traductions d'ouvrages en allemand, en suédois ou en anglais et laissé un journal publié sous le titre d'Itinéraires.

— Jean-Claude PENRAD

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Écrit par

  • : anthropologue, maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales

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