MUZZOLINI ALFRED (1922-2003)
Alfred Muzzolini fut sans conteste un maître des études en art rupestre saharien. Né le 5 janvier 1922 à Magnano en Italie, cet ingénieur-géologue, docteur en préhistoire, est mort à Toulouse le 16 février 2003. Ses travaux portent sur la chronologie des figurations rupestres, sur l'évolution des climats au Sahara et sur l'origine des animaux domestiques africains, le bœuf et le mouton. Sa méthodologie, associant les données archéologiques, paléoclimatiques, archéozoologiques, zootechniques et linguistiques, lui permit de renouveler totalement l'approche de ces sujets. Il s'éleva contre les abus de l'école « anti-stylistique », qui prône l'abandon de tout recours au concept de style, souvent considéré comme imprécis et inutile en préhistoire, pour montrer que, au contraire, celui-ci pouvait être particulièrement productif, à condition de s'entendre sur la méthode et le vocabulaire utilisés. Appliquant à cet effet ce qu'il appelait la « méthode des noyaux », il eut beau jeu de « déconstruire » les anciennes classifications d'Henri Lhote et Fabrizio Mori, qui tenaient davantage de l'intuition que de la démonstration.
Reprenant l'étude de caractères stylistiques clairement définis (donc vérifiables) et de traits culturels précis (habillement, armement, etc.), Muzzolini réussit à définir des styles bien localisés dans l'espace, et à les ancrer dans des fourchettes chronologiques fiables – bien que dotées d'un coefficient d'incertitude –, en reliant certains des thèmes figurés (armes, animaux domestiques) au savoir archéologique le plus récent, du Sahel à l'ensemble de la Méditerranée, tout en tenant compte des grands cadres paléoclimatologiques sahariens. Il apparaît alors qu'au Sahara les images rupestres les plus anciennes sont postérieures à l'épisode Aride mi-Holocène, situé vers 7000 avant nos jours. Si cette phase aride a pourtant bien été précédée par une occupation humaine, il s'agissait alors d'un Néolithique ancien sans animaux domestiques, et il ne reste pas de traces rupestres de son art. Pour reprendre une métaphore qu'affectionnait Muzzolini, l'image ainsi reconstruite semble floue, comme dessinée avec des pixels trop gros, mais elle n'en rend pas moins compte de la réalité. L'étape suivante du travail, celle à laquelle il s'attachait quand la mort l'a surpris, sera de « réduire la taille des pixels », par exemple en intégrant au schéma d'ensemble les figures exclues de cette classification, tant qu'elles ne sont pas rattachées à un ensemble stylistique solide et cohérent. Ce programme a ainsi permis de dégager des ensembles (« style de Sefar-Ozanéaré », « style d'Abaniora », « style d'Iheren-Tahilahi », etc.), qu'utilisent désormais la plupart des auteurs. Pour ce qui concerne la chronologie, Muzzolini fut, avec R. Nehren, l'un des premiers à combattre l'idée fausse d'un âge Bubalin archaïque, notion surannée, hélas encore parfois véhiculée par certains auteurs, alors que ledit « bubalin » n'est qu'un style qui, au Sahara central, ne peut être dissocié du Bovidien.
Muzzolini défendait donc l'idée d'une chronologie « courte », selon laquelle l'art rupestre saharien n'a pu apparaître avant le milieu du VIIe millénaire environ. Cette thèse ne fait certes pas encore l'unanimité, mais elle a le mérite de s'appuyer sur un argumentaire très serré, dont aucun élément n'a pour l'instant reçu, de la part de ses contradicteurs, de réponse satisfaisante. Dans ses publications, Muzzolini n'a que rarement abordé la signification des figures rupestres, car les excès souvent commis dans ce domaine l'incitaient à laisser de côté la question du symbolisme des images, le temps de trouver une solution satisfaisante[...]
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Écrit par
- Jean-Loïc LE QUELLEC : docteur en anthropologie-ethnologie-préhistoire, C.N.R.S., U.M.R. 7041, Archéologie et sciences de l'Antiquité, Centre de recherches africaines (université de Paris-I-Sorbonne)
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Autres références
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LES IMAGES RUPESTRES DU SAHARA (A. Muzzolini)
- Écrit par Jean-Loïc LE QUELLEC
- 1 516 mots
Des images rupestres sahariennes, le public ne connaît généralement que les peintures du Tassili, popularisées par Henri Lhote grâce à l'exposition qui présenta pour la première fois ces œuvres au musée des Arts décoratifs en 1957. Mais peintures et gravures se comptent désormais par dizaines...