NEWMAN ALFRED (1900-1970)
Le compositeur américain de musiques de film Alfred Newman, un des plus prolifiques et des plus influents de l'histoire d'Hollywood – il sera directeur musical pour Samuel Goldwyn et United Artists de 1930 à 1938, puis de la Twentieth Century Fox de 1939 à janvier 1960 – naît le 17 mars 1900 à New Haven, dans le Connecticut. Aîné de dix enfants, issu d'un milieu ouvrier, il va être le premier à infléchir le destin de sa famille. Révélant très vite des dons exceptionnels pour la musique, mais sans argent, il apprend le piano en autodidacte. Dès son plus jeune âge, il joue dans des clubs ou lors de fêtes de charité. L'argent gagné et économisé lui permet de partir, adolescent, pour New York étudier le piano auprès de Zygmunt Stojowski. Pianiste virtuose dès l'âge de douze ans, Alfred Newman donne à New York quelques récitals qui ne lui permettent cependant pas de subvenir aux besoins de sa famille. Il est heureusement remarqué par des producteurs de Broadway, qui voient immédiatement en lui un jeune prodige, capable non seulement d'interpréter mais également d'improviser et de diriger un orchestre ; de 1920 à 1930 il acquiert ainsi une solide expérience en dirigeant et en orchestrant pour les théâtres de Broadway.
Mais Alfred Newman ne veut pas se limiter au théâtre. Remarqué par Samuel Goldwyn, il part au début de 1930 pour Hollywood, lieu qui cristallise désormais toute l'énergie et l'organisation nécessaires à l'invention d'un genre nouveau. Irving Berlin lui confie la direction musicale du film Reaching for the Moon, réalisé en 1930 par Edmund Goulding, libre adaptation d'une comédie musicale du même nom qui avait connu un grand succès sur les scènes de Broadway.
Après la direction musicale, Alfred Newman se lance dans la composition pour le cinéma, signant sa première partition en 1931 pour le film de King Vidor Street Scene (Les Carrefours de la ville). Sur le plan stylistique, sa démarche est audacieuse ; alors que, entre 1930 et 1940, la musique hollywoodienne ne connaît qu'un discours parallèle à l'image, donc éminemment figuratif, Alfred Newman, même s'il s'inscrit inévitablement dans cette mouvance, sait habilement éviter le piège que celle-ci recèle : de manière générale, on peut dire que la musique qu'il écrit ne constitue pas un pléonasme de l'image, qu'elle en est plutôt un contrepoint. Par ailleurs, Newman n'est pas de ceux qui abusent des leitmotive, ces phrases musicales mémorisables qui reviennent tout au long d'un film, permettant d'assurer une certaine continuité dramatique mais appauvrissant le discours musical en limitant l'harmonie.
En 1933, il rencontre le compositeur Ken Darby, qui réalise pour le cinéma d'excellentes adaptations de comédies musicales de Broadway. Darby va devenir un ami et un collaborateur fidèle de Newman. Darby et ses Ken Darby Singers prospectent le chant populaire, dont ils étudient les origines, l'histoire et les structures. L'intrusion de la musique populaire dans les partitions pour le cinéma était déjà une réalité à l'âge d'or hollywoodien. Si l'on considère la musique de film de 1930 à nos jours, on constate en effet qu'elle est un des meilleurs moyens de collecter les refrains populaires (Max Steiner, Franz Waxman, Erich Wolfgang Korngold et Miklós Rózsa ont inclus dans leurs partitions des thèmes populaires). Mais les impératifs esthétiques qu'Hollywood imposait à l'époque obligeaient les compositeurs à les présenter fondus dans une masse orchestrale dont ils n'étaient que les épiphénomènes mélodiques. Influencé par Darby, Newman introduit des parties de chœur dans ses partitions. Come and Get It (Le Vandale, 1936) de Howard Hawks et William Wyler illustre bien cette démarche : pour la musique de ce film,[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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