WHITEHEAD ALFRED NORTH (1861-1947)
Exploitant certaines conceptions de logique mathématique, Alfred North Whitehead collabora avec Bertrand Russell aux Principia mathematica, qui sont un des points de départ les plus importants des considérations logiques en Angleterre et en Amérique. On peut exposer sa philosophie en fonction de différents points de vue et suivant certaines époques fondamentales de sa pensée. Ce qu'il y a de difficile et parfois d'un peu obscur dans son langage vient de son désir de ne pas retomber dans d'anciennes conceptions et de trouver des concepts qui indiquent des voies nouvelles à la pensée. Pour ne prendre d'abord qu'un exemple, sa théorie du sujet comme superjet est quelque chose qui ne se conçoit bien que si l'on renonce aux idées d'objet et de sujet. Whitehead appartient au groupe des « néo-réalistes critiques », mais ce groupe, formé par des philosophes remarquables comme Charles Augustus Strong et George Santayana, n'est jamais arrivé à s'unifier autour d'une plate-forme valable. Se méfiant de toutes les abstractions, Whitehead insiste de plus en plus fort sur l'idée d'organisme : relativité d'une part, organisme de l'autre sont les deux pôles autour desquels s'ordonne le mieux sa pensée. En fait, il a affirmé comme Henri Bergson, qui fut un de ses maîtres, qu'aucune notion n'est irréductible et que toutes les notions s'impliquent les unes les autres.
Le philosophe
La négation de la bifurcation cartésienne
Né à Ramsgate (Kent), Alfred North Whitehead se forma à Cambridge, où il devint fellow de Trinity College, puis fut professeur de physique mathématique à l'université de Londres, collaborant alors avec Russell pour la rédaction des Principia mathematica (1910-1913) et publiant lui-même, en 1920, The Concept of Nature. À Cambridge, il avait fait paraître A Treatise on Universal Algebra (1898), ouvrage dans lequel son tempérament philosophique se manifesta d'emblée par l'affirmation de l'autonomie de la raison par rapport à ses expressions et symbolismes opérationnels. Whitehead quitta l'Angleterre en 1924 pour aller enseigner la philosophie à l'université Harvard, aux États-Unis, où il poursuivit ses recherches de logique mathématique et l'élaboration de ses théories sur la relativité. Il mourut à Cambridge (Mass.).
Dans une belle page, Whitehead, se souvenant des visites qu'il fit à Florence aux tombeaux des Médicis, montre comment le Jour, la Nuit, l'Aurore, le Crépuscule sont à la fois quelque chose de temporel et d'éternel. En le voyant évoquer aussi le passage où Dante dit que Aristote et saint Thomas lui ont appris comment l'homme s'éternise, on saisit là les arrière-plans les plus profonds de sa pensée. Il faudrait ensuite reprendre tous les grands problèmes philosophiques et voir quels rôles ont la contingence, la nécessité, la liberté dans la théorie de Whitehead. Comme Edmund Husserl, il a cru à un domaine des essences. Ses essences sont vues par Dieu et, s'ordonnant sur ce point à la pensée de Leibniz, il voit en Dieu celui qui choisit ce monde-ci avec toutes les essences qu'il implique. La « nature conséquente » de Dieu a une influence sur la « nature primordiale » de Dieu. Le monde devient et Dieu survient (ingression) ; ils se désirent, ils s'engendrent l'un l'autre, l'un par l'autre dans une « nouveauté imprévisible » rythmée par des cycles d'entités où s'épuise et se renouvelle l'infinitude du fini, « tissu des feelings physiques de Dieu sur ses concepts primordiaux ».
Une des meilleures façons d'entrer en contact avec la philosophie de Whitehead est d'accentuer ses aspects négatifs par rapport aux différentes traditions qui ont gouverné la philosophie des sciences depuis Galilée et Descartes. Cette pensée se présente[...]
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Écrit par
- Jean-Luc VERLEY : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII
- Jean WAHL : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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