WHITEHEAD ALFRED NORTH (1861-1947)
Le mathématicien
Certes, de l'œuvre de A. N. Whitehead reste principalement la troisième partie de sa carrière consacrée à la philosophie des sciences et à sa théorie de l'organisme, mais il s'est d'abord consacré aux mathématiques pures, algèbre et géométries non euclidiennes. Son étude des fondements logiques des mathématiques, qui culmine avec les trois volumes des Principia mathematica, écrits en collaboration avec Bertrand Russell, est suivie de contributions de physique théorique, sur la théorie de la relativité et sur la gravitation, points de départ de sa réflexion épistémologique.
Le premier ouvrage de Whitehead, A Treatise on Universal Algebra, le place dans la tradition de l'école formaliste des algébristes anglais et fait de lui un héritier direct de Peacock, Augustus De Morgan et George Boole. Ce texte, difficile, est nourri des idées de Robert Grassmann et de William R. Hamilton sur le calcul des extensions, qu'il interprétera dans le cadre des géométries non euclidiennes. Entre 1898 et 1903, Whitehead travaille au deuxième volume de son ouvrage consacré à la théorie générale des algèbres (quaternions, matrices...), mais il découvre que son approche est très semblable à celle que B. Russell adopte dans son deuxième volume, en préparation, des Principles of Mathematics. Les auteurs ne publient donc pas la seconde partie de leurs livres respectifs et décident de collaborer. C'est l'origine de leur ouvrage fondamental, Principia mathematica, dont les trois volumes paraissent respectivement en 1910, 1912 et 1913 (cf. russell pour une analyse du contenu et de l'importance de l'œuvre).
Vers la même époque, Whitehead s'est intéressé à l'axiomatisation des systèmes géométriques et aux modèles mathématiques du monde sensible. Dans son article « On mathematical concept of the material world » (1906), il se place dans une perspective délibérément non newtonienne et tente une description logico-mathématique du monde comme un ensemble de relations et d'objets, formant le « champ » de ces relations, qui soit cohérent avec l'expérience physique.
Son petit ouvrage élémentaire de vulgarisation An introduction to Mathematics (1911), destiné à faire comprendre ce que sont la science et ses rapports à l'abstraction, est plus qu'un manuel, et se place dans une perspective épistémologique. Son objectif, déclare l'auteur dans la Préface, « est non d'enseigner les mathématiques, mais de permettre aux élèves de connaître, dès le début de leurs études, de quoi traite la science et en quoi elle est le fondement nécessaire d'une pensée exacte s'appliquant aux phénomènes naturels ».
L'ouvrage le plus caractéristique des conceptions philosophiques de Whitehead sur la relativité et la gravitation est The Principle of Relativity (1922), qui est une réunion de textes de conférences. Les théories qu'y expose l'auteur sont indépendantes conceptuellement de celles qu'ont élaborées Hugo Bergmann, Albert Einstein et Wolfgang Pauli, mais on peut montrer qu'elles sont indiscernables relativement aux quatre tests classiques : la déviation d'un rayon lumineux, le décalage spectral, l'avance du périhélie d'un satellite et le temps retard des ondes radar. Les ouvrages de physique théorique de Whitehead utilisent des outils mathématiques très élaborés et sont souvent obscurs, car il y fait intervenir des considérations sur la nature de notre connaissance. Une de ses idées essentielles est que l' espace-temps possède en tout lieu et à tout instant une structure uniforme et il propose plus une théorie d'une action à distance qu'une véritable théorie du champ unifié. Les forces gravitationnelles se propagent le long des géodésiques de la structure uniforme de l'espace-temps, ce qui provoquerait des variations,[...]
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Écrit par
- Jean-Luc VERLEY : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII
- Jean WAHL : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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