SCHNITTKE ALFRED (1934-1998)
Avec Edison Denisov et Sofia Goubaïdoulina, Alfred Schnittke est un des compositeurs russes contemporains les plus joués dans le monde entier. C'est lui qui a fait entrer l'avant-garde occidentale dans la musique soviétique avant de développer une esthétique très personnelle et de s'inscrire dans le courant néo-romantique et antimoderniste.
Alfred Garrievitch Schnittke naît à Engels, dans le district de Saratov, le 24 novembre 1934. Sa famille fait partie d'une minorité d'origine allemande établie sur les bords de la Volga. Il reçoit les débuts de sa formation musicale à Vienne, où son père a été nommé correspondant d'un journal soviétique germanophone pendant deux ans (1946-1948). De retour à Moscou, il est notamment l'élève de Evgeni Goloubev et de Nikolaï Rakov à l'Académie musicale de la révolution d'Octobre, jusqu'en 1958. Il travaille également avec un disciple de Webern, Filip Gerchkovitch, qui l'initie aux techniques issues du sérialisme, alors prohibées en Union soviétique. À partir de 1961, il enseigne l'orchestration et la composition au conservatoire de Moscou, où il est nommé professeur en 1972. En 1980, il devient professeur invité à la Musikhochschule de Vienne. Après une attaque cérébrale particulièrement violente en 1985 (dix-neuf jours de coma pendant lesquels il est jugé cliniquement mort à trois reprises), il séjourne en Allemagne pour suivre un traitement. Une bourse lui permet d'y retourner en 1989. L'année suivante, il obtient la double nationalité russe et allemande et se fixe à Hambourg, où il est nommé professeur de composition à la Musikhochschule. Sa carrière se développe dans le monde entier, où les plus grands interprètes se mettent au service de sa musique : Mstislav Rostropovitch, Guennadi Rojdestvenski, Gidon Kremer, Youri Bashmet, Natalia Gutman, le Quatuor Kronos, le Quatuor Alban Berg, le Quatuor Borodine... Mais il subit de nouvelles attaques cérébrales en 1992 et en 1994. Très diminué physiquement, il ne cesse d'écrire et compose même sa dernière œuvre, la Symphonie no 9 (1996-1997), de la main gauche. Il succombe à une ultime attaque le 3 août 1998, à Hambourg.
Les premières œuvres de Schnittke sont assez conventionnelles, principalement influencées par Prokofiev : Concerto pour violon no 1 (1957, révisé en 1962), Concerto pour piano (1960), Sonate pour violon et piano no 1 (1963). Il découvre ensuite l'écriture sérielle et le sonorisme, qu'il applique aux formes rigoureuses de la musique de chambre : Quatuor à cordes no 1 (1966), Dialogues, pour violoncelle et sept instruments (1965). Sa musique est alors marginalisée en U.R.S.S., où un tel langage est proscrit. Puis il s'enthousiasme pour l'école polonaise et, sous l'influence de Lutosławski, il laisse son langage s'épanouir dans un lyrisme plus personnel. Sa Symphonie no 1 (1969-1972), caractéristique de cette époque, est interdite par les autorités. Mais sa musique commence à être jouée régulièrement en Occident, où on le considère comme l'héritier de Chostakovitch. L'influence religieuse occupe une place de plus en plus importante dans sa création : il tire un requiem d'une musique de scène composée pour le Don Carlos de Schiller (1974-1975) et sa Symphonie no 2 « Saint-Florian », avec chœur, sous-titrée « Missa invisibilia » (1979), reprend le texte de la messe latine. Peu après (1983), il se convertit au catholicisme.
Dès la fin des années 1960, Schnittke avait commencé à mêler des éléments de différentes provenances à sa musique : réminiscences de valses viennoises, hommages à Bach, tangos, rock, etc. Ce langage polystylistique, qui se superpose d'abord à l'écriture sérielle, s'efface dans les années 1980 derrière une musique plus structurée, où les références au passé ne sont plus que des évocations.[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Média