WEGENER ALFRED (1880-1930)
Vers une théorie globale des grandes structures de la Terre
Si les analogies biologiques et structurales entre certains continents montrent que ceux-ci furent en relation, si la théorie de l'isostasie prouve que des parties continentales n'ont pas pu disparaître en s'enfonçant dans le sima, si les côtes de part et d'autre de l'Atlantique semblent pouvoir s'emboîter, c'est donc que les continents se déplacent horizontalement à la surface du globe ; c'est la « dérive des continents ».
Survient la Première Guerre mondiale ; Wegener est mobilisé comme aspirant en 1914. Blessé au bras et au cou, il profite de sa convalescence pour rédiger Die Entstehung der Kontinente und Ozeane (La Genèse des continents et des océans). Publié en 1915 (puis réédité en 1920, 1922 et 1929), cet ouvrage reprend les idées qu'il avait exposées lors de sa communication de 1912, augmentées d'observations provenant notamment d'une deuxième expédition au Groenland, effectuée de l'été 1912 à l'été 1913. À son retour, Wegener épouse Else Köppen, fille de son ami Wladimir Peter Köppen, directeur des recherches météorologiques à l'Observatoire naval de Hambourg.
Cette fois Wegener ne s'est pas contenté de faire une simple synthèse, il apporte ses propres arguments. S'intéressant naturellement aux paléoclimats en tant que météorologue, il constate qu'au Carbonifère, il y a environ 300 millions d'années, l'Amérique du Sud, l'Afrique septentrionale, l'Inde et l'Australie étaient en partie recouvertes d'une calotte glaciaire, comme en témoignent les moraines fossiles (appelées tillites) et les stries laissées sur les roches dues à l'écoulement des glaciers. Wegener en conclut que tous ces continents, réunis en un seul bloc – le Gondwana – occupaient une position proche du pôle Sud. En revanche, sur les autres terres – l'Amérique du Nord et l'Eurasie, formant un second bloc appelé la Laurasie – s'épanouissaient une faune et une flore de type tropical, à l'origine des riches bassins houillers que nous connaissons aujourd'hui. Entre le Gondwana et la Laurasie s'étendait une mer d'orientation est-ouest, la Téthys, dont on peut considérer que la Méditerranée est un vestige.
Wegener est-il le premier à formuler cette idée de la dérive des continents ? Non, Antonio Snider-Pelligrini avait déjà proposé en 1853, dans son ouvrage La Création et ses mystères dévoilés, que les continents, qui formaient initialement un bloc unique, ont dérivé à la surface de la Terre. Mais il avait invoqué le Déluge pour expliquer la fragmentation, et son hypothèse avant-gardiste était vite tombée en désuétude.
Alfred Wegener termine la guerre au Service météorologique de l'armée, et séjourne en Bulgarie et en Estonie. En 1919, il retourne à Hambourg et prend la succession de son beau-père au département de météorologie théorique de l'Observatoire naval. Puis on lui propose un poste de professeur de météorologie et de géophysique à l'université de Graz (Autriche). Il s'y installe en 1924 avec sa famille. Cette même année, reprenant en partie les travaux du Suisse Émile Argand (1879-1940), Wegener présente au congrès de Liège ses vues sur les grandes structures géologiques de la planète qu'il distingue en trois types : des zones de compression, dues aux rapprochements des continents, où les structures se chevauchent et forment les chaînes de montagnes ; des zones d'étirement, où de la surface océanique est créée par l'éloignement des continents ; des zones de translation, où les continents coulissent de part et d'autre de grands décrochements, appelés plus tard failles transformantes. Wegener pose ainsi les fondements des théories qui suivront sur le fonctionnement global de la surface de la Terre, notamment la [...]
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Écrit par
- Yves GAUTIER
: docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection
La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015
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