ALGER
Alger, capitale de l'Algérie, compte en 2010 près de quatre millions d'habitants avec son agglomération. La ville, baptisée en arabe Al-Djaza'ir au xe siècle, a connu les diverses présences et dominations qui se sont succédé en Afrique du Nord au fil des siècles. L'histoire permet de lire la ville, ou plutôt les villes, l'Alger arabe et l'Alger turque, l'Alger française et la capitale d'aujourd'hui. La baie d'Alger est un vaste amphithéâtre de 15 kilomètres de largeur sur 6 kilomètres de profondeur, faisant d'elle une des plus grandes baies du monde. L'activité portuaire y est très importante et représente à elle seule près du tiers des échanges nationaux avec l'extérieur.
Une longue histoire
L'existence d'Alger remonte au moins au vie siècle avant J.-C., selon les enseignements d'un trésor découvert en 1940 dans le quartier de la Marine. Comptoir phénicien puis punique, elle est occupée par les Romains au ier siècle et s'appelle alors Icosium, puis disparaît dans la tourmente des invasions vandales vers 430. Sur ses ruines viennent s'établir au viie siècle les tribus des Beni Mezrana, dont l'un des chefs, Bologhine ibn Ziri, fonde au xe siècle une ville nouvelle appelée Al-Djaza'ir (« les îles »), en référence aux quatre îlots rocheux bordant la baie. Du xe au xve siècle, la ville subit plusieurs dominations, almoravide, almohade et hafside entre autres ; le seul témoin marquant de cette période est la Grande Mosquée, Djemaa el-Kebir, construite au xie siècle.
Alger est une place convoitée de la Méditerranée. Au début du xvie siècle, poursuivant la Reconquista, les Espagnols réussissent à prendre la citadelle. Pour se délivrer de cette domination, les Algérois demandent la protection des frères Barberousse, corsaires de la Méditerranée orientale. L'aîné, Aroudj, s'installe solidement dans la ville en 1516. Son frère, Kheir el-Eddine, fait hommage de ses conquêtes au sultan de Constantinople qui le reconnaît chef de la Régence d'Alger (province de l'Empire ottoman, jouissant d'une large autonomie). Le témoignage vivant le plus important de la vieille Alger ottomane, c'est la Casbah, dont les Turcs commencèrent la construction lorsqu'ils se furent rendus maîtres de la ville ; ils la terminèrent en 1590.
La Casbah sera un lieu essentiel de la « bataille d'Alger » en 1957. Ville dans la ville, enclave « mystérieuse », quartier impénétrable à l'observateur extérieur, la Casbah d'Alger a été montrée par des grands cinéastes, Julien Duvivier en 1936 dans Pépé le Moko, histoire d'un bandit solitaire et mélancolique, qui s'y cache, se perd et meurt ; ou par Gillo Pontecorvo, en 1966, dans La Bataille d'Alger, récit sombre et âpre d'une résistance algérienne au cœur de la guerre d'Algérie. Par ses lacis de ruelles, d'escaliers et d'impasses où les voitures n'ont pas accès, son architecture à la fois turque et arabe, militaire et civile, la Casbah d'Alger constitue un type unique de médina (ville musulmane). Elle est à ce titre inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O. depuis 1992. En dépit du plan de restauration lancé dans les années 1980, cette vieille ville tombe en décrépitude et le violent séisme qui a touché les côtes algéroises le 21 mai 2003 fragilise encore les bâtisses de ce quartier populaire.
Dans la Casbah, surplombant la baie d'Alger à plus de 115 mètres d'altitude, le palais du Dey est l'un des plus prestigieux monuments de l'époque ottomane. Construit au début du xvie siècle sous l'égide de Baba Aroudj, la forteresse devient en 1817 (auparavant, le siège de la Régence se situait dans la ville basse, au palais de la Djenina) la résidence du Dey Ali Khodja, puis celle[...]
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Écrit par
- Benjamin STORA : professeur émérite des Universités
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