- 1. De la mer d’Aral à Pise : le triomphe du calcul avec les chiffres indo-arabes
- 2. Algorithmes et théorie de la calculabilité : à l’ombre d’Alan Turing
- 3. Informatique et élargissement de la notion d’algorithme
- 4. Les algorithmes dans la pratique mathématique contemporaine
- 5. Toute procédure est-elle algorithmique ?
- 6. Les algorithmes aujourd’hui : des agents sociaux et culturels ?
- 7. Bibliographie
ALGORITHME
La notion d’algorithme a envahi nos discours et nos pratiques, en raison surtout de la diffusion massive d’applications informatiques dédiées à l’exécution automatisée de certaines tâches, ou à la résolution de certains problèmes. On trouve en effet les algorithmes non seulement dans de nombreux domaines professionnels et spécialisés (diagnostics médicaux, gestion d’activités de trading en bourse, etc.), mais aussi dans la vie quotidienne, les recherches sur le Web en étant l’exemple le plus répandu. En ce sens, on parle d’algorithme comme d’une méthode consistant en une suite finie d’actions bien déterminées, exécutables pas à pas, sans ingéniosité, et donc réalisable par une machine (ordinateur, robot, smartphone, etc.). À l’origine, pourtant, la notion d’algorithme désignait exclusivement une méthode de calcul employant les chiffres indo-arabes. Ce n’est qu’ensuite que le développement des mathématiques et de l’informatique ainsi que la diversité des objets auxquels on les applique ont progressivement transformé cette notion.
De la mer d’Aral à Pise : le triomphe du calcul avec les chiffres indo-arabes
Étymologiquement, le mot « algorithme » vient d’algorizmi (ou algorismi), latinisation de l’épithète al-Khwarizmi donnée au mathématicien arabe Muhammad Ibn Musa (env. 780–850 env.), originaire de la région du Khwarezm (Khārezm), au sud de la mer d’Aral, dans l’actuel Ouzbékistan. C’est précisément par l’expression « Dixit Algorizmi » (« al-Khwarizmi a dit ») que commence l’une des traductions latines de l’ouvrage Kitab al-hisab al-hindi (Le Livre du calcul indien). Dans ce livre, al-Khwarizmi présente le système de numération qui repose sur les chiffres indiens – ou indo-arabes, en raison justement du passage par les travaux des mathématiciens arabes – ainsi que les méthodes pour exécuter des opérations sur ces chiffres. Dans le français du xiiie siècle, le mot « algorisme »(ou sa variante « augorisme »)désigne donc, par antonomase, les techniques de calcul arithmétique effectuées avec les chiffres indo-arabes (la forme moderne calque le latin médiéval algorithmus, lui-même une altération du nom al-Khwarizmi associée au mot latin arithmetica,« arithmétique »). Or ce qui caractérise les chiffres indo-arabes est le fait qu’ils reposent sur une notation positionnelle (en base 10). De cette manière, il est possible de définir des règles de manipulation directement sur ces chiffres : c’est par exemple ce que l’on fait dans le cas de la somme en colonne, où la première action consiste à positionner un nombre sous l’autre, en sorte d’aligner verticalement les chiffres qui se trouvent au même rang. Ce que l’on manipule ainsi, ce sont des signes, c’est-à-dire les représentations graphico-symboliques des nombres naturels (les chiffres). Effectuer des opérations arithmétiques, et donc un calcul arithmétique, revient alors à exécuter des opérations de manipulation de signes. À la mise en colonne que l’on vient de mentionner, il faut également associer l’écriture de la retenue au-dessus de deux autres chiffres dans une même colonne, ainsi que l’écriture d’un nouveau chiffre en dessous de deux autres dans la même colonne. Ces opérations de manipulation sont non ambiguës, exécutées de manière séquentielle et permettent toujours d’atteindre un résultat et de montrer qu’il s’agit d’un résultat correct vis-à-vis du problème initialement posé.
L’œuvre et les techniques introduites par al-Khwarizmi ont été ensuite étudiées, exposées et poursuivies par les mathématiciens du Moyen Âge. Leonardo Pisano (env. 1170-1250 env.), originaire de Pise, connu également sous le nom de Fibonacci – contraction de filius Bonaccii –contribua, entre autres, à l’introduction des chiffres indo-arabes en Italie, puis en explora les applications[...]
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Écrit par
- Alberto NAIBO : docteur en philosophie, maître de conférences en logique à l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, université Paris I-Panthéon Sorbonne
- Thomas SEILLER : docteur en mathématiques, université d'Aix-Marseille, chargé de recherche au CNRS
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