- 1. De la mer d’Aral à Pise : le triomphe du calcul avec les chiffres indo-arabes
- 2. Algorithmes et théorie de la calculabilité : à l’ombre d’Alan Turing
- 3. Informatique et élargissement de la notion d’algorithme
- 4. Les algorithmes dans la pratique mathématique contemporaine
- 5. Toute procédure est-elle algorithmique ?
- 6. Les algorithmes aujourd’hui : des agents sociaux et culturels ?
- 7. Bibliographie
ALGORITHME
Les algorithmes aujourd’hui : des agents sociaux et culturels ?
Le point de vue général sur les algorithmes, qui consiste à les concevoir comme des ensembles structurés d’actions permettant de résoudre un certain problème ou d’interagir avec un certain environnement, a permis de les considérer comme des procédures que nous pouvons appliquer à des situations de la vie quotidienne – pourvu que l’on puisse éventuellement donner une modélisation mathématico-formelle des situations en question. On considère alors qu’un algorithme est quelque chose que nous pouvons appliquer afin de résoudre de manière systématique, générale et automatisée certains problèmes se présentant à nous et qui peut ainsi nous aider dans notre prise de décisions ou dans notre manière d’interagir avec d’autres agents. C’est ainsi que le mot « algorithme » tend à faire partie de notre langage commun pour décrire certaines manières d’agir dans le monde ou de se rapporter à d’autres personnes. Le mot « algorithme » prend alors une dimension sociale, qui concerne notre manière de structurer nos actions et nos liens sociaux. Des systèmes informatiques s’appuyant sur des procédures algorithmiques sont employés par exemple afin d’analyser et de sélectionner, de façon automatisée, les candidatures que nous envoyons pour des postes de travail ou afin de décider de l’attribution, ou non, d’allocations familiales. Ces procédures peuvent être construites de manière à extraire des informations à partir de données sur lesquelles elles opèrent, informations qui peuvent finir par créer des décisions s’appuyant sur des critères discriminants (comme le fait de privilégier les candidatures portées par des hommes ou le fait de soumettre à des contrôles plus stricts les allocataires porteurs d’un handicap). Si une décision automatisée utilise des critères de discrimination, comment en établir la preuve étant donné les contraintes techniques et l’impossibilité d’accéder (le plus souvent) au programme ? Si l’utilisation de tels critères est avérée, qui est alors responsable ? Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour éviter d’introduire de telles sources de discrimination, sachant qu’elles sont parfois la conséquence indirecte de certains facteurs à première vue non discriminants ?
Ces questions montrent comment l’impact croissant des algorithmes sur notre vie sociale exige que leurs usages respectent des principes éthiques – s’agissant de la reproduction ou de l’aggravation des inégalités sociales, de l’introduction de biais discriminants vis-à-vis de l’âge, de la race ou du genre – et légaux – concernant l’exploitation de nos données personnelles, leur stockage et leur anonymisation, ou bien encore la responsabilité dans la prise de décision automatisée. Les algorithmes font ainsi l’objet d’une réflexion non seulement épistémologique, mais aussi éthique et juridique. De manière générale, la dimension sociale qu’ils ont ainsi acquise fait d’eux des objets culturels à part entière. Leur conception et leur utilisation, notamment lorsque des données d’apprentissage sont en jeu (choix dans la sélection et le traitement des données), sont imprégnées de la culture dans laquelle ils sont produits. Par exemple, dans le cas du problème de la reconnaissance des visages souriants mentionné plus haut, l’expression faciale du sourire peut varier d’une culture à l’autre. En outre, le fait d’ébaucher un large sourire sur une photo est typiquement lié à la culture occidentale contemporaine (en particulier nord-américaine), mais beaucoup moins à d’autres cultures ou d’autres époques. Ainsi, les données d’entraînement pour le programme décrit plus haut sont ancrées dans une culture spécifique et la reflètent. Un programme entraîné sur ces données devient un outil de la reproduction de cette culture. Les algorithmes sont en ce sens une manifestation de cette culture,[...]
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Écrit par
- Alberto NAIBO : docteur en philosophie, maître de conférences en logique à l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, université Paris I-Panthéon Sorbonne
- Thomas SEILLER : docteur en mathématiques, université d'Aix-Marseille, chargé de recherche au CNRS
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