SALEH ALI ABDALLAH (1942-2017)
Homme politique yéménite, Ali Abdallah Saleh fut président du Yémen du Nord de 1978 à 1990, puis du Yémen réunifié jusqu’en 2012.
Né à Bayt al-Ahmar en 1942, orphelin issu d’une famille modeste et d’une tribu marginale d’origine zaydite de l’est de Sanaa, Ali Abdallah Saleh gravit les échelons dans l’armée et accède à la présidence de la République arabe du Yémen le 18 juillet 1978, après les assassinats de ses deux prédécesseurs en l’espace d’une année. Perçu initialement comme une figure de transition, il se maintient habilement au pouvoir et organise l’unification avec la République populaire et démocratique du Yémen (le Yémen du Sud) en mai 1990.
Il devient alors président de la République du Yémen, est élu une première fois au suffrage universel en 1999 puis réélu en 2006. Confronté à un soulèvement révolutionnaire à compter de février 2011, dans la foulée des printemps arabes, il est blessé dans un attentat en juin de cette même année et soigné en Arabie Saoudite. Il se voit alors contraint d’abandonner le pouvoir, le 27 février 2012, non sans avoir organisé sa propre survie politique à travers l’adoption d’un régime d’immunité. Il reste ainsi actif, réside à Sanaa et continue de diriger son ancien parti, le Congrès populaire général (CPG), créé en 1982. Il s’allie dès lors avec ses anciens ennemis de la rébellion houthiste, issue de la minorité zaydite et originaire du nord du pays, pour mettre à mal le pouvoir de son successeur Abd Rabbo Mansour Hadi. Il les aide notamment à prendre le contrôle de la capitale, le 21 septembre 2014. Manœuvrant adroitement dans les coulisses en s’appuyant sur les segments de l’armée qui lui sont restés fidèles, il devient la cible de sanctions internationales, puis d’une offensive militaire lancée le 26 mars 2015 par une coalition menée par l’Arabie Saoudite. Au fil de la guerre, des tensions entre Saleh et les houthistes s’accroissent et conduisent le premier à se retourner contre les seconds dans les premiers jours du mois de décembre 2017. Ceux-ci l’assassinent alors, le 4 décembre à Sanaa, dans des circonstances qui restent encore controversées.
Ali Abdallah Saleh, bien que marqué par les idéologies baathiste et nationaliste arabe, a mené un pouvoir caractérisé par un pragmatisme qui lui a permis, ainsi qu’à ses proches, de monopoliser graduellement de nombreuses ressources institutionnelles, militaires et économiques. Sa tribu, ses frères puis neveux et fils ont accédé aux plus hautes fonctions dans l’armée et bénéficié d’un système clientéliste construit autour de la corruption et des prébendes liées au trafic d’armes et à l’exploitation des hydrocarbures.
Attentif tant aux équilibres internes qu’aux réactions des puissances internationales, Ali Abdallah Saleh, pendant sa longue présidence, a noué des alliances diverses et parfois contradictoires avec les tribus des hautes terres, puis les islamistes, avec les États-Unis, l’Irak, la Libye, la Russie et l’Arabie Saoudite. Dans le cadre de l’accord d’unification des deux Yémen de 1990, il a engagé son pays dans le multipartisme et mis en place un partage relatif du pouvoir qui en a fait, un temps, un modèle à l’échelle régionale.
Mais le travail d’équilibriste entre des intérêts divergents, éprouvé par des conflits dont celui contre les sudistes en 1994 et contre les houthistes entre 2004 et 2010, a aussi généré de la violence et du mécontentement. En 1990, son soutien tacite à l’invasion irakienne du Koweït s’est révélé coûteux puisqu’il a conduit à l’isolement de son pays et à l’éviction de près d’un million de travailleurs yéménites des États du Golfe. Dans le contexte de la lutte contre le terrorisme à compter de 2001, le président Saleh a engagé son pays au côté des États-Unis, œuvrant certes ponctuellement contre Al-Qaida[...]
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Écrit par
- Laurent BONNEFOY : chercheur CNRS au Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po
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YÉMEN
- Écrit par Laurent BONNEFOY , André BOURGEY , Serge CLEUZIOU et Encyclopædia Universalis
- 14 262 mots
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...du lieutenant-colonel Ibrahim al-Hamdi, le 13 juin 1974). Ce dernier est assassiné à la veille d'une visite à Aden, le 11 octobre 1977, et remplacé par le lieutenant-colonel Ahmad al-Ghashmi, assassiné à son tour le 24 juin 1978, pour être remplacé par le jeune lieutenant-colonel Ali Abdallah Saleh.