NEEL ALICE (1900-1984)
Née le 28 janvier 1900 à Gladwyne, Pennsylvanie, Alice Neel occupe une place singulière dans l’histoire de la peinture américaine du xxe siècle, en marge de ses principaux courants. Elle se consacre essentiellement au portrait, un genre dans lequel elle exalte les facettes sociale et sexuelle de ses modèles. Dans des tableaux d’une grande expressivité, elle accorde une attention égale à sa mère mourante (Dernière Maladie, 1953, Philadelphia Museum of Art) ; à ses petits voisins (Garçons dominicains, 108e Rue, 1955, Tate, Londres) ; à une personnalité en vue (Henry Geldzahler, 1967, The Metropolitan Museum of Art, New York) ; ou encore au pape du pop art, à peine remis d’une tentative de meurtre par l’autrice Valerie Solanas (Andy Warhol, 1970, Whitney Museum of American Art, New York).
Issue d’une famille modeste, Alice Neel est secrétaire à l’Army Air Corps quand elle s’inscrit aux cours du soir de la School of Industrial Art (Philadelphie). En 1921, elle rejoint la Philadelphia School of Design for Women dont elle est diplômée quatre ans plus tard. Mariée à l’artiste cubain Carlos Enriquez (1900-1957), elle s’installe à La Havane en 1926 où certaines de ses œuvres sont exposées pour la première fois. Elle fréquente l’avant-garde artistique locale tout en s’intéressant aux populations défavorisées. Elle peint alors des portraits de mères et d’enfant tels que Mère et enfant, La Havane, 1926, Succession Alice Neel), un thème récurrent dans son œuvre.
De retour aux États-Unis, elle réalise ses premiers portraits nus. Il s’agit là d’un motif aussi audacieux que novateur pour une femme de sa génération (Rhoda Myers avec un chapeau bleu, 1930, coll. part.). À la suite de la mort de sa fillette de onze mois d'une diphtérie, elle sombre dans la dépression et doit faire plusieurs séjours à l’hôpital. Encouragée par les psychiatres à poursuivre la peinture, elle s’établit à Greenwich Village, New York, et présente son travail dans plusieurs salons. Vivant dans une forte précarité, elle bénéficie du Public Works of Art Project qui, dans le cadre du New Deal de Franklin D. Roosevelt, soutient les artistes en difficulté. En 1938, sa première exposition personnelle est organisée au Contemporary Art. La même année, Neel, très attachée à la culture latino qui lui inspire des portraits poignants (La Famille espagnole, 1943, Succession Alice Neel), emménage dans le quartier new-yorkais de Spanish Harlem. Elle est alors influencée par le réalisme de Diego Rivera et l’expressivité cruelle qui caractérise le mouvement allemand de la Neue Sachlichkeit (« nouvelle objectivité »). Sa fréquentation des milieux communistes lui vaut d’être placée sous surveillance par le FBI. Au cours des années 1940 et 1950, sa palette s’éclaircit, se fait moins terreuse, et son style s’affermit, attirant l’attention de plusieurs galeries (Pinacotheca, 1944 ; ACA Gallery, 1950 et 1954).
En 1962, Alice Neel s’installe dans un appartement vaste et lumineux au cœur de l’Upper West Side, secteur cosmopolite où cohabitent des juifs venus d’Europe et des ressortissants d’Amérique latine, ainsi que des étudiants et des professeurs de l’université voisine. Cette même année, ARTnews, une revue respectée, publie un essai élogieux sur son œuvre, signé du peintre et critique Hubert Crehan. Alice Neel fréquente davantage les artistes et les poètes (Gerard Malanga, 1969, Philadelphie, Fondation Locks), les journalistes (John Perreault, 1972, Whitney Museum of American Art, New York) ou les historiens de l’art (Linda Nochlin and Daisy, 1973, Museum of Fine of Arts, Boston). Elle les fait poser dans des tableaux aux tons aigres ou acidulés, brossés avec davantage de vivacité et qui témoignent toujours de son humanisme, de son intérêt pour la psychologie de ses modèles et de son sens du détail.
Au cours des années[...]
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
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