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ALIEN, LE HUITIÈME PASSAGER, film de Ridley Scott

Éclectisme stylistique, multinationales et androgynie

Alien équilibre des savoir-faire en provenance d'horizons esthétiques différents. Au style postmoderne, le film emprunte un travail sur les formes, les textures et les sons. Le dessinateur de bandes dessinées Jean Giraud et l'illustrateur de science-fiction Chris Foss ont collaboré au « visuel » du vaisseau, et le peintre suisse H. R. Giger a prêté son imaginaire très reconnaissable au monstre et à son cadre de vie. Et même si « dans l'espace personne ne vous entend crier », pour citer le slogan publicitaire du film, la bande-son déroule ses nappes enchevêtrées dans le style ambient. Postmodernes également, les projecteurs bleutés face à l'objectif comme chez Spielberg, et le jeu des images « basse résolution » que l'on regarde sur des écrans sans rien pouvoir faire. Ainsi le chef tué par le monstre n'est-il qu'un simple point lumineux sur le repère orthonormé d'un moniteur, comme dans les guerres « techniques » où la réalité de la souffrance demeure hors champ.

Au style classique, ensuite, le film emprunte une propension aux effets d'annonce. Pour sa première apparition à l'écran, Kane se masse la gorge dans laquelle la pieuvre s'enfoncera quelques heures plus tard ; une étrange contre-plongée depuis le sol de l'infirmerie nous souffle à l'oreille que le monstre va s'échapper ; les lents travellings avant dans les coursives annoncent que « quelque chose » est là... On ne peut plus classique aussi, la figure de la fausse alerte : ouf !, ce n'était qu'un chat. Il serait injuste cependant de voir le film comme un exercice de style, puisqu'il se double d'un réquisitoire contre l'obsession du profit dans les multinationales. Que valent quelques êtres humains pour elles, face à la découverte d'une nouvelle forme de vie, c'est-à-dire d'un nouveau marché ? Le vaisseau tire d'ailleurs son nom d'un roman de Joseph Conrad (Nostromo, 1904) qui raconte comment la soif de posséder un trésor conduit une bande de marins à l'autodestruction.

Alien est aussi un objet de culte pour les spécialistes anglo-saxons des gender studies, cette discipline qui se propose d'examiner les textes culturels en fonction des « rôles sexués » qu'ils construisent. Pas tellement parce que la seule survivante du drame est une femme, mais plutôt parce que le sexe des personnages n'a strictement aucune importance dans l'histoire, et qu'il est interchangeable – figure rarissime dans les films à grand succès.

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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