ALIÉNISME (histoire du concept)
En France : la loi du 30 juin 1838 créant les asiles d'aliénés
Les idées politiques de Jean Étienne Dominique Esquirol (1772-1840), monarchiste, catholique et franc-maçon, firent de lui le principal inspirateur de la loi votée sous la monarchie de Juillet le 30 juin 1838, créant dans chaque département un asile d'aliénés. La loi fixait les règles juridiques de l'internement dans ces établissements en tentant de concilier la défense de la société et des familles et les droits des citoyens, même aliénés. Les opposants à cette loi étaient moins les défenseurs des libertés individuelles que ceux qui s'élevaient contre le coût de construction et de fonctionnement de ces établissements à la charge des départements, notamment pour les aliénés indigents. Des velléités de réforme de la loi de 1838 sous la IIIe République n'aboutirent qu'à remplacer la dénomination « asile d'aliénés » par celle d'hôpital psychiatrique et ce ne fut qu'en 1990 que la loi fut réformée, la question de la prise en charge financière du traitement des malades mentaux ayant été en partie résolue par l'instauration sous la IVe République de l'assurance-maladie obligatoire. Sous le second Empire, le plan d'inspiration haussmannienne, prévu pour le département de la Seine, avec un asile central, Sainte-Anne, à Paris et des asiles en périphérie, ne fut qu'en partie réalisé. L'asile dont les aliénistes avaient rêvé de faire l'instrument du traitement moral des aliénés sera en quelque sorte victime de son succès, du fait de l'augmentation constante, tout au long du second Empire, des sujets internés pour d'autres raisons, notamment sociales, que l'aliénation.
Les aliénistes devaient faire reconnaître par la société leur compétence particulière dans l'art difficile de reconnaître les états d'aliénation relevant d'un internement. Ils devaient le faire aussi auprès des autorités judiciaires dans le domaine de la médecine légale avec l'appréciation, conformément aux articles du Code civil de 1804 et du Code pénal de 1810, de l'éventuelle existence d'un état d'aliénation lors d'actes de la vie civile, de délits, surtout ceux de nature sexuelle, ou de crimes de sang (Esquirol avait cru résoudre l'épineuse discussion sur les aliénés criminels, en introduisant la notion de monomanie homicide). En 1843 sont créées, pour débattre de ces questions, les Annales médico-psychologiques, puis en 1852, après la révolution de 1848 à laquelle participèrent nombre d'aliénistes, la Société médico-psychologique (toujours actives). La faculté de médecine ne voyait pas d'un bon œil l'apparition de cette nouvelle spécialité qui mettait en cause l'unité de la médecine, et la chaire dite de « clinique des maladies mentales et de l'encéphale » ne fut créée à Sainte-Anne qu'en 1875, marquant ainsi l'apogée et la fin de l'aliénisme.
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Écrit par
- Jean GARRABÉ : psychiatre honoraire des hôpitaux, membre honoraire de l'Association mondiale de psychiatrie
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