- 1. Grandes étapes de l'évolution de l'alimentation
- 2. Croissance économique et changement alimentaire
- 3. Aliments en croissance, aliments en décroissance
- 4. Différenciation croissante des produits alimentaires
- 5. Alimentation et santé : les problèmes de l'abondance
- 6. Hétérogénéité des comportements : des différences et des inégalités
- 7. Bibliographie
ALIMENTATION (Comportement et pratiques alimentaires) Évolution de la consommation
Croissance économique et changement alimentaire
Cette évolution profonde de la consommation alimentaire n'est pas spécifique à la France. Elle s'est produite dans tous les pays développés à des rythmes divers liés à la temporalité et aux aléas de la croissance économique. En Angleterre, par exemple, le début du processus est contemporain de la révolution industrielle. Dès la fin du xviiie siècle, la structure de l'alimentation se transforme et le régime se diversifie. Cette transition alimentaire très précoce est confirmée par les données relatives à la mortalité, à l'espérance de vie et à la taille des individus qui montrent que la situation nutritionnelle en Angleterre est à cette époque meilleure qu'en France. Qu'elle se soit manifestée très tôt, comme en Angleterre ou aux États-Unis, ou un peu plus tard, comme dans les pays du sud de l'Europe, la transition alimentaire est arrivée à son terme au cours de la seconde moitié du xxe siècle dans les pays développés. Ce sont maintenant les économies en développement qui connaissent des transitions nutritionnelles de plus en plus rapides.
Les travaux classiques de M. Cépède et M. Lengellé (1953), puis de J. Périssé, F. Sizaret et P. François (1969), réalisés à partir des enquêtes conduites par la F.A.O. dans un grand nombre de pays représentatifs de l'ensemble des niveaux de développement, ont permis de quantifier ces régularités nutritionnelles qui accompagnent le développement économique et la croissance du revenu.
À partir de données recueillies à la fin des années 1930 dans soixante-dix pays, Cépède et Lengellé montrent que la satisfaction quantitative des besoins est recherchée en premier lieu à travers la consommation des aliments les moins chers comme les céréales et les tubercules, que viennent progressivement compléter des aliments plus coûteux comme les corps gras, le sucre, puis la viande et le lait, au fur et à mesure de l'élévation du niveau de vie. Ces aliments plus coûteux se substituent aux premiers dès que la satiété globale est atteinte, accélérant ainsi l'évolution de la structure de la ration alimentaire.
Sur la base d'enquêtes réalisées au début des années 1960 auprès de quatre-vingt-cinq pays, Périssé, Sizaret et François (1969) ont systématisé ces observations et ont établi des corrélations entre la structure de la ration calorique en termes de nutriments et le revenu par personne. Ces corrélations montrent que la croissance du revenu s'accompagne d'une très forte augmentation de la part des lipides (seuls les lipides d'origine végétale régressent), d'une baisse de la part des glucides (l'accroissement de la consommation des produits sucrés ne compensant pas la baisse de la consommation des céréales) et enfin d'une stabilité de la part des calories protéiques (la consommation croissante de protéines d'origine animale compensant exactement la baisse de la consommation des protéines d'origine végétale).
Ces mécanismes économiques et nutritionnels sont toujours à l'œuvre. Dans les pays les plus pauvres, ceux de l'Afrique subsaharienne comme le Niger ou le Mali par exemple, les disponibilités alimentaires augmentent peu. La structure des apports est restée stable depuis les années 1960 et les glucides représentent toujours aujourd'hui environ 70 p. 100 de la ration énergétique. Dans les pays émergents comme l'Inde, la Chine et le Brésil, l'évolution du régime alimentaire se traduit par l'enchaînement des mêmes étapes : la ration calorique augmente puis sa structure se transforme profondément. En Chine, les disponibilités caloriques par personne sont en augmentation depuis le début des années 1960 et la substitution des lipides aux glucides amorcée à la fin des années 1970 se poursuit à un rythme très rapide (de 1980 au début des années 2000, la part des glucides[...]
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Écrit par
- Pierre COMBRIS : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A.)
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