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All the things you are, BAKER (Chet)

Après une adolescence passée en Californie durant laquelle il apprend à jouer de la trompette et se produit dans des orchestres locaux, le jazzman américain Chet Baker (1929-1988) s’engage dans l’armée en 1946. Séjournant à Berlin, il découvre le be-bop grâce à la radio. En 1952, il quitte l’armée, enregistre à Los Angeles avec Charlie Parker et intègre le célèbre quartette sans piano de Gerry Mulligan. Avec le pianiste Russ Freeman, il forme en 1953 un quartette dans lequel il s’exprime aussi comme chanteur. Au cours des années 1950, il grave pour le label Pacific Jazz de nombreuses plages en tant que leader ou comme accompagnateur. En 1955, il obtient de francs succès lors de ses premières tournées européennes. Mais les drogues dures le «désociabilisent»; sa carrière est perturbée par de fréquents séjours en prison. En 1968, il est victime d'une agression à San Francisco : ses pourvoyeurs de drogue lui brisent la mâchoire, ce qui va l’empêcher de jouer pendant plusieurs années. Grâce à Dizzy Gillespie notamment, il revient progressivement sur la scène à partir de 1973, avec un son plus mature. Il enregistre alors abondamment, avec des musiciens comme Tony Williams ou Archie Shepp. Lors d’une tournée en Europe, il se tue en tombant, le 13 mai 1988, du deuxième étage d’un hôtel d’Amsterdam.

Le thème de Jerome Kern, All the Things you Are, tiré de la comédie musicaleVery Warm for May, créée à Broadway en 1939, est devenu un des standards de jazz les plus joués. Sarah Vaughan en a donné une version audacieuse. À l’origine, il s’agit d’une ballade avec une grille d’accord fameuse, où la progression s’opère par quarte ascendante (un système appelé anatole dans le jargon des musiciens français). Dans la version de Chet Baker (issue de l'album Chet in Paris, 1955), elle est jouée dans un tempo rapide. À la fin des chorus, au moment de la reprise du thème par Chet Baker, ce dernier le paraphrase en en simplifiant le dessin originel, laissant ainsi respirer la phrase. On remarquera la capacité du pianiste à suivre le soliste et le swing de la rythmique.

On appréciera également le son du trompettiste dans une intervention aux notes détachées qui est débarrassée de tout effet superflu. Cette tendance à une certaine pureté du timbre et du discours (absence de citation, par exemple) peut être rapprochée de son style vocal intimiste. Ancré dans la tradition du bop, Chet Baker joue sur le registre de la nostalgie d’un «beau son» perdu ; pour lui, les musiciens de jazz étaient trop en avance sur les capacités effectives d’écoute d’un public mal préparé aux constructions musicales élaborées.

— Eugène LLEDO

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Écrit par

  • : compositeur, auteur, musicologue et designer sonore