ALLÉGORIE, notion d'
« Et tout pour moi devient allégorie » (Baudelaire)
En France, le terme n'a pas connu le même discrédit qu'en Allemagne. Charles Baudelaire écrit, dans ses Paradis artificiels (1860) : « L'allégorie, ce genre si spirituel, que les peintres maladroits nous ont accoutumé à mépriser, mais qui est vraiment l'une des formes primitives et les plus naturelles de la poésie, reprend sa domination légitime dans l'intelligence illuminée par l'ivresse. » Grand admirateur du poète, Walter Benjamin découvre dans Les Fleurs du mal(1857) une « esthétique de la négativité », un art ironique, réflexif et lucide, profondément mélancolique. Son Origine du drame baroque (1928) exalte dans l'allégorie le moyen de se désenchanter du classicisme : le baroque s'en sépare plus radicalement que l'idiome romantique, parce qu'il est sans illusion sur la consistance ontologique du monde ; mais il le doit à une perspective théologique, que Benjamin cherche à dépasser dans son rapport aux avant-gardes (le « théâtre épique » de Bertolt Brecht en particulier) et à l'engagement. Prenant, avec sa lecture de Baudelaire, dans les années 1930, le contre-pied de Goethe, il fait de l'allégorie la figure de la modernité.
Cette dernière lui préfère néanmoins les termes métaphore, que nous rencontrions pour commencer, et image. La linguistique et la théorie de la littérature, héritières dans une certaine mesure du romantisme, ont renouvelé l'intérêt pour ce que Tzvetan Todorov appelle « la décision d'interpréter », à l'origine à la fois de la tradition allégorique et symbolique, de la tradition philologique, et de l'herméneutique. Roman Jakobson considère la métaphore comme un des deux « pôles », avec la métonymie, de la structure discursive elle-même ; le pôle métaphorique domine la poésie, le pôle métonymique domine la prose. Cette valorisation par le linguiste de la métaphore en poésie rejoint celle de plusieurs de ses contemporains : les poètes russes qu'il admirait, mais aussi les surréalistes français, dont l'exaltation de la « merveilleuse image » a été théorisée par André Breton comme celle de la comparaison « absolue ».
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Écrit par
- François TRÉMOLIÈRES : professeur de littérature française du XVIIe siècle, université Rennes-2
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