ALLÉGORIE
L'allégorie dans l'histoire de l'art
Forgé par la rhétorique classique, le terme « allégorie » (du grec allegoria) désigne un procédé par lequel on exprime quelque chose, le plus souvent une idée abstraite, sous la forme de quelque chose d'autre. Transposé dans le domaine des arts, il renvoie à un type de représentation destiné à rendre visible l'invisible et combinant d'emblée trois modes distincts. Le premier correspond au symbole, généralement montré sous la forme emblématique d'un objet ou d'un animal et dont la signification ambivalente dépend toujours d'un contexte. Le deuxième est constitué par la personnification qui, en partie empruntée au répertoire mythologique, consiste à représenter conventionnellement un concept par une figure humaine, envisagée tantôt de façon statique et isolée avec des symboles en guise d'attributs, tantôt de façon dynamique au sein d'une combinaison plus complexe, en intervenant parfois dans des registres hétérogènes tels que la peinture d'histoire ou le portrait. Le troisième enfin concerne l'exemplification, laquelle vise à exprimer une idée à travers la représentation générique d'une situation exemplaire, comme l'illustrent notamment les Triomphes antiques, dans lesquels l'empereur, généralement accompagné de la personnification de la Victoire et du symbole de la couronne, conduit un char au milieu d'un cortège triomphal.
L'allégorie connaît cependant une double transformation dès le ve siècle avec la désagrégation de l'illusionnisme antique et l'émergence de l'image médiévale. D'une part, tout en conservant certains aspects du répertoire classique, elle renvoie à de nouveaux concepts, conditionnés par le système chrétien. D'autre part, elle valorise, dans un premier temps, le symbole au détriment des deux autres modes de représentation, lesquels reprennent néanmoins le dessus dès les xiie-xiiie siècles, parallèlement au retour progressif de l'illusionnisme antique. Entre le milieu du xvie et le xixe siècle, la personnification, favorisée par le développement de la normalisation académique, en devient le mode privilégié. Immuable dans sa structure et ses conventions, elle fonctionne comme une forme vide que remplissent les idées du moment. C'est pourquoi elle rencontre dès le xviie siècle des critiques antiacadémiques, notamment chez les peintres hollandais, qui jouent fréquemment sur l'ambiguïté entre les niveaux de représentation. À partir du milieu du xixe siècle, elle est jugée inadéquate à exprimer les valeurs de la « modernité ». Ses limites sont alors constamment mises à l'épreuve par de nouveaux moyens d'expression.
L'Antiquité
Le terme grec allegoria ne se rencontre qu'à partir de l'époque hellénistique dans le vocabulaire de la rhétorique pour désigner, du point de vue du créateur, une suite continue de métaphores par lesquelles celui-ci rend accessible un concept abstrait à l'imagination de son lecteur (Quintilien, Inst. or., 9, 2, 46) ou, parfois, pour dissimuler sa pensée jusqu'à forger des « énigmes » (Cicéron, À Atticus, ii, 20, 3) ou, du point de vue de l'exégète, une technique d'interprétation consistant à refuser une lecture littérale au profit d'un sens caché sauvegardant par exemple la logique ou la morale. L'interprétation allégorique d'Homère a une longue histoire qui remonte au vie siècle avant J.-C., et celle de la Bible est particulièrement illustrée par Philon d'Alexandrie, qui écrivait en grec dans les premières décennies du ier siècle après J.-C.
L'allégorie n'appartient donc pas au vocabulaire des arts plastiques de l'Antiquité grecque et romaine, mais le terme peut commodément s'employer pour décrire certains[...]
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Écrit par
- Frédéric ELSIG : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)
- Jean-François GROULIER : écrivain, chercheur
- Jacqueline LICHTENSTEIN : maître de conférences, département de philosophie, université de Paris-X-Nanterre
- Daniel POIRION : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
- Gilles SAURON : professeur d'archéologie romaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Médias
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