ALLEGRO BARBARO. BÉLA BARTÓK ET LA MODERNITÉ HONGROISE 1905-1920 (exposition)
L’exposition Allegro barbaro. Béla Bartók et la modernité hongroise, 1905-1920, présentée au musée d’Orsay du 15 octobre 2013 au 5 janvier 2014, est centrée sur la personnalité et la production du compositeur hongrois, mais aussi sur le contexte dans lequel il a œuvré. Pionniers au sein d’une avant-garde européenne alors en pleine effervescence, les acteurs de la vie culturelle hongroise inventent en effet, durant ces quinze années, une langue neuve qui, sans rien refuser des acquis de la modernité, entend bien féconder les racines d’une tradition nationale.
Bartók au miroir de la peinture
Dans cette incandescence, le nom de BélaBartók (1881-1945)brille d’un éclat particulier. Animé d’un sentiment patriotique farouche, révolté contre l’emprise de la culture germanique en Hongrie, le musicien s’affirme avec le poème symphonique Kossuth (1903) avant de partir pour Paris, où son échec au concours Anton Rubinstein ne fait qu’affermir sa volonté d’explorer le trésor de la musique folklorique hongroise, mais aussi slovaque et roumaine. Menée à bien avec son ami Zoltán Kodály, cette singulière entreprise donne pour premier fruit un recueil de vingt chansons paysannes hongroises, en 1906. Au cours des années suivantes, Bartók affermit sa réputation avec les deux Suites pour orchestre(1905, 1907), le Premier Concerto pour violon (1908), l’Allegro barbaro (1911)… Ensuite s’ouvrira le chemin d’une gloire nuancée de défiance (« Bartók ? c’est un chimiste ! », dira Igor Stravinski) jusqu’à sa disparition.
Parmi les plus saisissantes confrontations de l’exposition, celle qui concerne les portraits figure au premier rang. En regard des Deux Portraits pour orchestre de Bartók (1907, 1908), le spectateur est ainsi convié à découvrir l’Autoportrait (vers 1908) de Sándor Ziffer, qui semble hésiter entre le symbolisme de Paul Gauguin et le fauvisme d’Henri Matisse, et l’Autoportrait au chapeau de paille (1906) de Róbert Berény, plus proche de Paul Cézanne. Mais, dans les deux cas, le plus frappant reste l’abandon délibéré de tout approfondissement psychologique au profit d’une affirmation violente de l’image, de la même façon que Bartók tourne le dos au pathos postromantique dans son écriture d’une véhémence volontairement brutale.
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Écrit par
- Gérard DENIZEAU : professeur de musicologie à l'université de Paris-Sorbonne, professeur d'esthétique au conservatoire à rayonnement régional de Paris
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