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ALLEGRO BARBARO. BÉLA BARTÓK ET LA MODERNITÉ HONGROISE 1905-1920 (exposition)

Influence française, autonomie hongroise

Le titre de l’exposition, Allegro barbaro, rend moins hommage, ainsi, au compositeur qu’à la réaction de toute une génération contre une tradition sclérosante. Au sein de l’empire austro-hongrois, Bartók est en phase avec ses jeunes compatriotes, émancipés de la toute-puissante culture germanique, à l’image de Béla Czóbel, de Géza Bornemisza et de Ziffer qui annoncent, dans leurs tableaux tournés vers le fauvisme, le groupe des Huit (Nyolcak) : Ödön Márffy, Berény, Károly Kernstok, Dezső Czigány, Czóbel, Dezső Orbán, Bertalan Pór et Lajos Tihanyi. De cet embrasement des arts visuels hongrois, l’acteur le plus célèbre et le plus novateur demeure László Moholy-Nagy.

Si Bartók place Claude Debussy au-dessus de tous les musiciens de son temps, ses compatriotes artistes vouent la même dévotion à Gauguin, Cézanne, Claude Monet et Matisse, phares de l’avant-garde mondiale, tout comme le poète hongrois majeur du temps, Endre Ady, révère Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé. Les moqueries et insultes de la critique ne font qu’exacerber l’engagement de cette génération iconoclaste, dont bon nombre de créateurs vont parfaire leur apprentissage dans les académies libres de Paris, exposant au Salon d’automne et au Salon des indépendants. Les œuvres présentées témoignent pour la plupart de la fascination de ces jeunes artistes pour la capitale française, ses paysages urbains (József Rippl-Rónai, Place de l’Observatoire, 1914), ses courants les plus novateurs, comme le fauvisme (Berény, Nu féminin couché, vers 1907), le symbolisme tardif (Márffy, Jeune Fille de Nyerges, 1908), voire le cubisme (Sándor Bortnyik, Le Prince de bois, 1919, inspiré par le ballet du même nom que Bartók compose en 1916).

Ces artistes rebelles n’en entendent pas moins conserver leur spécificité nationale et puisent leurs thèmes dans une tradition populaire qui ne doit rien aux modèles occidentaux. Bartók lui-même se libère de l’emprise debussyste avec la Deuxième Suite pour orchestre, alors que l’exposition Œuvres nouvelles (1909) couronne, à Budapest, la démarche commune des Huit, créateurs autonomes mais animés par le même idéal. Ils associent à leurs expositions ultérieures musiciens, hommes de lettres, penseurs… tous regroupés sous le sigle ambigu du mouvement « activiste » qui prend son essor en 1915, notamment dans les revues A Tett(L’Action) puis MA (Aujourd’hui), dirigées par Lajos Kassák, admirateur précoce de la musique de Bartók.

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Écrit par

  • : professeur de musicologie à l'université de Paris-Sorbonne, professeur d'esthétique au conservatoire à rayonnement régional de Paris

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