ALLEMAGNE / ANNÉES 1920 / NOUVELLE OBJECTIVITÉ / AUGUST SANDER (exposition)
L’exposition Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander (11 mai-5 septembre 2022) renoue avec l’objectif pluridisciplinaire du Centre Georges-Pompidou en associant peinture, dessin, photographie, architecture, design, film, théâtre, littérature et musique dans l’esprit d’ouverture de ce que fut Paris-Berlin, mais dans un contexte à l’évidence différent de celui de l’année 1978, hormis un persistant désir d’information et d’analyse. Son titre à tiroirs traduit l’ambition de présenter une vue d’ensemble d’un phénomène culturel caractérisé comme « Nouvelle Objectivité ». Ce mouvement est au cœur d’une évolution marquée par une exposition qui fit date, organisée en 1925 par Gustav Friedrich Hartlaub, à la Kunsthalle de Mannheim :Nouvelle Objectivité. La peinture allemande après l’expressionnisme.
Vers une nouvelle réalité ?
En proposant différentes perspectives (« standardisation », « montages », « les choses », « persona froide », « rationalité », « utilité », « transgressions », « regard vers le bas »), l’objectivité, maître mot retenu par l’histoire de l’art, prend une consistance que les organisateurs de l’exposition du Centre Georges-Pompidou, Angela Lampe et Florian Ebner, ont pris le parti d’éclairer en montrant un large choix de l’œuvre d’August Sander, Hommes du xxe siècle, présenté à Cologne en 1927. La disposition d’espaces communicants permet de suggérer une complicité inédite entre ce monument de la photographie traité comme un élément central et ce qu’il implique pour une société, la République de Weimar (1918-1933), à la recherche d’elle-même. Présentés par ensembles structurés, comme les témoins d’une civilisation dont ils sont les acteurs et qui néanmoins les dépasse, ces « Hommes du xxe siècle », où les femmes jouissent d’un statut qu’elles ne détenaient pas auparavant (le droit de vote, obtenu en 1918), ne deviennent véritablement allemands qu’en fonction d’une typologie qui interroge le nouveau siècle plus qu’elle ne répond aux anciens critères du portrait à la Nadar.
Dans cette dualité obsédante du collectif et de l’individuel, de l’anonymat et de la compétence professionnelle, de la hiérarchie sociale et de la présence humaine réside une bonne part de l’inquiétude qu’un même besoin de lucidité rationnelle fait surgir dans les différents domaines évoqués. L’exposition tente ainsi d’articuler une conjonction d’éléments hétérogènes liés à la modernisation accélérée d’un pays – l’Allemagne –, qui a subi l’épreuve de la guerre et de la défaite, l’échec d’une révolution, la crise économique, avec pour perspective l’année 1933, une conjonction aussi évidente que précaire.
Un autoportrait du peintre expressionniste Ludwig Meidner, de 1912, met l’accent sur le contraste de ce mouvement, désormais associé à l’avant-guerre et à des valeurs qui furent compromises par la réalité des faits. Au seuil des années 1920, un ordre s’établit sur de nouvelles bases, avec des caractéristiques plus ou moins accusées selon que l’on évoque l’architecture ou le design, la littérature ou la musique, les arts du spectacle ou les arts plastiques. Les auteurs qui abordent ces questions soulignent cette concordance objective, mais ils n’en ignorent pas pour autant sa dimension ambiguë, évolutive, parfois contradictoire. Dans son texte de présentation, Hartlaub, à l’origine de l’exposition de 1925, avait pris soin de distinguer une aile gauche « vériste » d’un courant « classiciste » de « retour à l’ordre » encouragé par la revue ValoriPlastici. Il mettait aussi en garde contre l’idée simpliste d’un « dépassement » de l’abstraction ou de la pure sensation des cubistes, futuristes et autres expressionnistes. Il plaidait, par-delà les slogans[...]
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Écrit par
- Éric DARRAGON : professeur émérite d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média