ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification
Institutions et vie politique
Droits fondamentaux et Tribunal constitutionnel
Une constitution est en général rédigée par opposition au système politique qui l'a précédée. La Loi fondamentale veut éviter les faiblesses institutionnelles de la République de Weimar et garantir les droits et libertés supprimés par le régime hitlérien. Aussi commence-t-elle par une énumération des droits fondamentaux qui, contrairement aux préambules des constitutions françaises, « lient les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire à titre de droit directement applicable », et crée-t-elle un Tribunal constitutionnel fédéral dont les possibilités d'action sont grandes et dont le rôle s'est révélé de première importance.
Parmi les droits qui ont fait l'objet d'interprétations ou d'applications particulières, on peut en relever trois. Le droit à l'objection de conscience, inscrit dès l'origine, a été précisé de façon très libérale par un additif constitutionnel et par une loi spéciale, en 1956. La liberté de l'information a reçu une interprétation particulièrement vigoureuse dans le jugement du 28 février 1961, par lequel le Tribunal constitutionnel interdisait au gouvernement fédéral de contrôler une chaîne de télévision. Les restrictions apportées aux libertés d'opinion et de réunion pour les militaires sont en partie compensées par la nomination d'un commissaire du Parlement (Wehrbeauftragter) auprès de l'armée, chargé de recueillir directement les plaintes et pétitions des soldats, et, depuis 1967, par l'instauration du droit syndical pour les militaires, le commandant en chef de la Bundeswehr donnant aussitôt son adhésion à la Fédération des transports et services publics de la Confédération allemande des syndicats (D.G.B.).
En même temps, la Loi fondamentale, par référence implicite à la fois au nazisme et au communisme, met en œuvre le principe contesté « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » en déclarant que « la liberté de l'enseignement ne dispense pas de la fidélité à la Constitution » et en prévoyant la déchéance des droits fondamentaux pour ceux qui auraient abusé de ces droits en vue de combattre l'ordre fondamental libéral et démocratique. Il revient au Tribunal constitutionnel de se prononcer sur cette déchéance, de même que c'est à lui de décider de l'application du très important article 21, lequel a largement inspiré l'article 4 de la Constitution française de 1958.
« 1. Les partis concourent à la formation de la volonté politique du peuple. Leur fondation est libre. Leur organisation interne doit être conforme aux principes démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de la provenance de leurs ressources.
« 2. Les partis qui, d'après leurs buts ou d'après le comportement de leurs sympathisants, visent à porter atteinte à l'ordre fondamental libéral et démocratique, ou encore à mettre en danger l'existence de la République fédérale, sont anticonstitutionnels. »
C'est en se fondant sur cet article que le Tribunal a déclaré inconstitutionnels, en 1952, un parti d'extrême droite et, le 17 août 1956, le Parti communiste ; ces décisions ont entraîné l'interdiction des deux partis. Comme dans d'autres arrêts, le Tribunal a accompagné sa sentence – contestable et contestée – de très longues considérations dont l'ampleur même est révélatrice de son rôle. En effet, le Tribunal ne se limite pas à dire le droit, à décider si telle loi est conforme ou non à la Constitution et à trancher les conflits entre le pouvoir central et les Länder : il considère que sa mission est aussi d'expliciter la morale politique sur laquelle repose la collectivité nationale, de faire en quelque sorte la théorie de l'ordrepolitique sur lequel est fondée[...]
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Écrit par
- Alfred GROSSER : professeur émérite des Universités, Institut d'études politiques de Paris
- Henri MÉNUDIER : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
Autres références
-
ALLEMAGNE - Les institutions
- Écrit par Stéphane SCHOTT
- 4 249 mots
Les institutions de la république fédérale d’Allemagne sont définies par la Loi fondamentale (L.F.), ou Grundgesetz, du 23 mai 1949. Pensé à l’origine comme une Constitution provisoire pour l’Allemagne de l’Ouest, le Grundgesetz s’applique à toute l’Allemagne depuis le 3 octobre 1990....