HÁBA ALOIS (1893-1973)
Le compositeur tchèque Alois Hába naît le 21 juin 1893 à Vizovice, en Moravie orientale (Valachie). Il devient instituteur, selon une vieille tradition familiale, après deux ans d'étude à l'École normale de Kroměříž. Pour son premier poste, il est nommé à Bílovice, près de Uherské Hradiště, toujours en Moravie. Il décide de poursuivre des études musicales et devient élève de Vítězslav Novák au Conservatoire de Prague (1914-1915), puis il se rend à Berlin (1918-1922) pour étudier auprès de Franz Schreker.
À son retour, à l'exemple de son aîné et compatriote Leoš Janáček, le jeune « cantor » s'intéresse à la chanson populaire de sa contrée natale. Il remarque que, pour renforcer l'expression, les chanteurs locaux modifient spontanément la hauteur des sons qu'ils émettent. Ces « ajustements » apparaissent comme des diminutions lorsqu'il s'agit de notes longues dans le registre piano – de l'ordre du comma (l'équivalent d'un neuvième de ton) jusqu'au sixième de ton –, et comme des augmentations – de l'ordre du comma – pour accentuer l'effet d'un cri, d'une brusque montée en intensité. S'appuyant au départ sur l'écriture tempérée, Hába invente une notation très précise pour indiquer ces ajouts expressifs. Il retrouve, au passage, la gamme chromatique intégrale en vingt-quatre demi-tons. L'étape suivante consiste à réaliser une palette sonore à l'évolution quasi continue par l'utilisation de micro-intervalles de quarts de ton, sans pour autant réaliser les grappes sonores (clusters), de demi-tons et quarts de ton que généralisera l'école polonaise des années 1950. Il expérimente de descendre jusqu'au douzième de ton dans l'écriture pour cordes. Si, sur ces instruments, une telle pratique ne demandait qu'un travail fastidieux et une éducation minutieuse de l'oreille, elle conduisit à élaborer des pianos spéciaux à doubles claviers pour pouvoir jouer sur ceux-ci en quarts de ton.
Considéré comme le « maître de l'expressionnisme bohême » dans les années 1920-1930, Hába semble avoir déçu ses partisans les plus fanatiques, qui attendaient de lui une œuvre capable de rivaliser avec l'école occidentale, essentiellement française (dans laquelle on rangeait à l'époque Martinů), et avec le sérialisme schönbergien. Ce révolutionnaire n'a cherché qu'à traduire au mieux la spontanéité de la chanson primitive et des musiques populaires jusqu'alors non notables. Il a ouvert la voie aux musiciens de l'époque qui cherchaient à déterminer l'origine technique des musiques traditionnelles, souvent extra-européennes (Inde, Bali, Mongolie). Il a offert une méthode pour tenter d'en analyser l'athématisme générique et la fluidité rythmique.
Resté au pays pendant toute sa carrière, Hába enseigne de 1924 à 1951 la composition (en micro-intervalles) à nombre d'élèves qui deviendront illustres, tels les chefs d'orchestre Karel Ančerl et Walter Süsskind, les compositeurs Václav Dobiáš, Jaroslav Ježek, Ervín Schulhoff... Cette carrière de pédagogue, qui se poursuivra pendant l'occupation allemande, puis soviétique, personnifie la tendance « asiatique » de la musique tchèque contemporaine. Il a écrit des ouvrages théoriques, dont Bases harmoniques du système par quarts de ton (Harmonické základy čttvrtónové soustavy, 1922), et il enseigna cette écriture à l'Académie de musique de Prague (A.M.U.) ; il fit construire des instruments pour pratiquer ces micro-intervalles : piano, clarinette, harmonium, trompette, guitare... Ses préoccupations anthroposophiques, liées à la pédagogie professée par Rudolf Steiner (1861-1925), sont consignées dans l'ouvrage Réflexions sur la psychologie de la composition[...]
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Écrit par
- Pierre-É. BARBIER : producteur à Radio France, musicologue
Classification
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