RIEGL ALOÏS (1858-1905)
Historien d'art autrichien, membre de l'école de Vienne. Son œuvre est fondée sur une discipline philologique stricte, mise au service d'un esprit spéculatif. Il s'appuie surtout sur la philosophie idéaliste de Hegel, mais fait quelques autres emprunts, en particulier à la philosophie post-kantienne de Herbart, et peut-être à Schopenhauer.
Avant d'être professeur titulaire à l'université de Vienne à partir de 1897, Riegl fut directeur du département des textiles du Musée autrichien des arts industriels, où il succéda à Franz Wickhoff en 1886. Toute une série de publications sur les textiles (de la Haute Antiquité aux tapis islamiques) préparent son premier ouvrage capital Stilfragen, 1893 (trad. franç. Questions de style, Hazan, 1993), qui retrace l'histoire de l'ornement. Stilfragen est avant tout une attaque contre la théorie de Gottfried Semper pour qui le style est déterminé par trois facteurs : matière, technique, fonction. Contre ce déterminisme, Riegl pose l'art comme intention, comme projection spécifiquement formelle et expressive. La pensée de Riegl s'est précisée et affermie dans deux ouvrages postérieurs, L'Artisanat du Bas Empire romain (Die Spätrömische Kunstindustrie, 1901) et Le Portrait de groupe hollandais (Das Holländische Gruppenporträt, 1902). Dans le premier, il montre que l'art du Bas Empire romain, où l'on ne voyait en général que la décadence de la tradition classique, exprimait des tendances nouvelles et qu'il fallait y chercher le début d'un autre développement, des intentions différentes mais aussi valables. C'est dans cet ouvrage qu'est mis en œuvre le concept de Kunstwollen (intention, intentionnalité ou volonté artistique) qui exprime la visée téléologique de Riegl. Dans le second ouvrage, traitant du portrait de groupe hollandais, il fait un examen minutieux de ce genre très particulier et, dans des analyses très subtiles, oppose le subjectif à l'objectif et les tendances du Nord à celles du Midi (ce qui touche au paradoxe lorsqu'il s'agit d'Amsterdam et de Rotterdam). Ces livres exposent, à propos de cas particuliers, une vision générale de l'histoire de l'art téléologiquement orientée : l'art se développe constamment et de façon dialectique de l'haptique (tactile) à l'optique, de l'objectif au subjectif, en passant par des cycles qui font de l'histoire une sorte de spirale ascendante.
L'importance de Riegl n'est peut-être pas tant dans ce schéma historique que dans l'ouverture nouvelle qu'il propose du champ de l'histoire de l'art : prise en considération de l'ornement comme forme importante de l'art ; abandon de la notion de décadence qui permet d'envisager l'art de toutes les sociétés sans préjugé de valeur. On lui doit la mise en place de concepts utiles et d'une méthode d'analyse des œuvres. Riegl considère toujours l'art non comme un agrément mais comme une forme de pensée fondamentale et la projection non verbale d'une conception du monde. Ses disciples les plus directs ont constitué l'école de la Strukturanalyse. L'introduction de Hans Sedlmayr au recueil des essais de Riegl (Gesammelte Aufsätze, 1929) peut lui servir de manifeste. Aujourd'hui, Riegl demeure une des principales sources d'inspiration pour le renouvellement de l'histoire de l'art grâce à son opposition radicale à la fois à l'histoire de l'art traditionnelle et aux interprétations déterministes à la manière de Taine.
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Écrit par
- Henri ZERNER : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard
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