ALPHABET
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Tout alphabet est une collection de signes graphiques qui correspondent à autant de sons vocaux dans une langue ou dans un groupe de langues donné ; la lettre, ou caractère, représente l'unité ultime dont se composent les phonèmes. Encore que l'histoire constate la transformation ou la disparition progressive de certaines lettres ainsi que la captation et l'adaptation entre alphabets, on peut considérer chaque collection comme close. Compte tenu des articulations (mots et phonèmes), c'est donc la combinatoire des quelques dizaines de lettres d'un alphabet qui permet l'expression écrite et parlée et la prolifération illimitée de cette expression dans le tissu quotidien des échanges sociaux comme dans la création et la conservation de la culture.
Entre les langues qui usent d'un même alphabet, on relève des variantes souvent considérables dans la prononciation d'une même lettre (u en français, en anglais, en italien et en espagnol) ou d'un groupe de lettres (ch en français, en italien, en espagnol, en allemand).
Des variantes existent aussi bien au sein d'une langue (ch en allemand, dans Ich et Buch) ; à quoi s'ajoutent les accentuations et les particularités des prononciations régionales. Et l'on sait que, selon la formule populaire qui, en fait, entérine en la déplorant l'existence de l'orthographe, les mots ne s'écrivent pas tous comme ils se prononcent. Cela parce que chaque langue est conditionnée par ses sources, son passé et ses règles ou habitudes scripturales, mais aussi parce que l'équipement alphabétique dont elle dispose se limite précisément à une collection close.
Peu nombreux sont les alphabets en regard du nombre de langues mortes et vivantes qui les mettent en œuvre ; et, par l'expansion de quelques-uns d'entre eux, on peut définir de vastes aires et de longues périodes de civilisation (le grec et le romain, le sanskrit, l'arabe, par exemple).
C'est par la lente élaboration, dans laquelle les faits économiques ont sans doute joué un rôle capital, que l'humanité s'est orientée vers l'abstraction alphabétique, en dégageant l'écriture du pictogramme, de l'idéogramme et du phonogramme, ancêtre du signe alphabétique.
Les civilisations indo-européennes apparaissent comme civilisations du concept, celles de l'Extrême-Orient, qui usent encore de l'idéogramme, comme civilisations de l'image et de l'emblème. Nul ne saurait décider de la supériorité des unes sur les autres, mais, à coup sûr, les alphabets s'offrent comme caractéristiques des premières.
Les premières écritures
Les cunéiformes inventés en Mésopotamie (env. 3400 avant J.-C.) et les hiéroglyphes imaginés en Égypte (env. 3200) servent d'abord à établir des inventaires. Ils comprennent, outre des chiffres, des pictogrammes, dessins représentant un être ou un objet. Ces écritures se sont compliquées lorsqu'on voulut écrire des phrases. Les pictogrammes, qui tendent à devenir des dessins stylisés ou schématiques, se répartissent alors en trois catégories suivant leur fonction. L'idéogramme a la valeur d'un mot tout entier et représente un être ou un objet. Il peut aussi évoquer des termes abstraits par association d'idées : par exemple, le pictogramme « étoile » en devenant un idéogramme signifie : étoile, dieu, haut, être haut. Le phonogramme ou signe phonétique transcrit une syllabe ou, seulement pour les hiéroglyphes, une consonne isolée. Le déterminatif, que l'on place à côté d'un mot écrit au moyen de signes phonétiques ou d'idéogrammes complexes, supprime toute possibilité d'erreur de lecture en indiquant à quelle catégorie d'êtres ou d'objets appartient le mot en question. Les deux premiers systèmes d'écriture ayant mis des siècles à se constituer, il résulte de cette évolution que chaque signe a plusieurs valeurs comme idéogramme, déterminatif ou phonogramme.
L'emploi de l'écriture est donc, pendant plus de deux millénaires, réservé à une élite, les scribes, qui, après de longues études, ont acquis le monopole des charges administratives, des sciences sacrées et profanes. Les scribes mésopotamiens, qui utilisent l'écriture la plus compliquée (les cunéiformes), tentent de la simplifier de plus en plus grâce aux signes phonétiques, mais ils ne renonceront jamais au plaisir des jeux de mots, à l'emploi des idéogrammes et des signes rares réservés aux initiés.
Les États apparus plus tard que le royaume égyptien et que les cités de Mésopotamie profitent de l'expérience de ces pionniers, lorsqu'ils inventent une écriture. C'est alors la vogue des systèmes syllabiques où, à côté d'un petit nombre d'idéogrammes à valeur unique et concrète (à la façon des pictogrammes), il n'y a que des signes phonétiques transcrivant chacun une seule syllabe, en nombre limité (de 45 à 90). C'est le cas du protoélamite linéaire (env. 2200 av. J.-C.), des écritures de la Crète (xxe-xiiie s. av. J.-C.), de Chypre (xvie-iiie s.), des hiéroglyphes hittites (xvie-viiie s.). Ce système, parfois combiné avec l'alphabétisme, est encore adopté après l'apparition de l'alphabet : au viie siècle avant J.-C. dans la péninsule Ibérique (écriture ibéro-tartessienne de l'Algarve), en Carie et en Perse ; à partir du ive siècle avant J.-C. dans l'Inde et les pays d'Asie civilisés par les Indiens ; au ive siècle après J.-C. en Éthiopie.
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Écrit par
- Gilbert LAFFORGUE : maître assistant à l'université de Paris-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Voir aussi
- LETTRE
- ARAMÉEN, langue
- PALMYRÉNIENS
- ÉGYPTIENNE ÉCRITURE
- LATINE LANGUE
- GREC ANCIEN, langue
- PHÉNICIEN ALPHABET
- MATRES LECTIONIS
- HÉBREU CARRÉ
- PICTOGRAMME
- IDÉOGRAMME
- DÉTERMINATIF
- GLAGOLITIQUE ALPHABET
- ARABE LANGUE
- CUNÉIFORME ÉCRITURE
- CYRILLIQUE, alphabet et translittération
- ÉCRIT CODE, linguistique
- SYRIAQUE LANGUE
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- PHONOGRAMME ou SIGNE PHONÉTIQUE