ALPHABET
Les premiers alphabets linéaires de Syrie et d'Arabie
On a trouvé, principalement en Palestine (mais c'est la région la mieux explorée de l'ensemble syrien), un petit nombre de textes courts rédigés dans des écritures de ce type et antérieurs à 1100 avant J.-C. ; ils résistent aux efforts des déchiffreurs ; ce qui montre qu'il s'agit d'expériences locales sans suite. Puis, vers 1100 avant J.-C., c'est le triomphe d'un alphabet nouveau de 22 lettres (consonnes), qu'on appelle phénicien parce qu'il a d'abord été connu par les inscriptions des villes de Phénicie. Il ne peut avoir été inventé que dans une ville importante, et il n'est pas impossible que ce soit la cité phénicienne de Byblos. Elle semble avoir moins souffert que les autres de l'invasion des peuples de la Mer (début du xiie s. avant J.-C.) et c'est la seule ville où l'on ait trouvé des textes anciens écrits en alphabet phénicien (d'autres de la même époque proviennent de bourgades minuscules). Le plus connu de ces textes byblites est l'inscription du tombeau d'Ahiram, roi de Byblos, que l'on situait autrefois au xiiie siècle, mais que l'on a ramené au xe siècle. Quelle que soit son origine, l'alphabet, d'abord commun à toute la Syrie, va se différencier pour s'adapter aux différents dialectes sémitiques des peuples qui habitent ou fréquentent la Syrie : phénicien, sud-arabique et nord-arabique, paléo-hébraïque, moabite, araméen.
L'écriture phénicienne, employée durant des siècles un peu partout en Syrie, survit sur le littoral jusqu'au iie siècle après J.-C. Elle est apportée par les colons dans un grand nombre de sites méditerranéens : au viiie siècle avant J.-C. à Chypre et à Carthage, au viie siècle à Malte et en Sardaigne. Prenant le relais des Phéniciens, Carthage fait connaître son écriture punique dans ses colonies d'Afrique, de Sardaigne et d'Espagne. Ayant survécu à la destruction de la grande ville, cette écriture est en usage jusqu'au iie siècle de notre ère dans le domaine africain de Rome. Enfin, il est possible que l'alphabet libyque, employé au Maghreb et au Sahara à partir du iiie siècle avant J.-C, dérive d'un modèle phénicien.
L'écriture sud-arabique, qui transcrit des dialectes arabes assez différents de l'arabe actuel (lui-même originaire de l'Arabie du Nord), compte 29 consonnes, alors que le phénicien n'en compte que 22. Les deux alphabets n'en dérivent pas moins d'un modèle commun. L'écriture sud-arabique a dû se propager de la Palestine méridionale vers le sud-est de la péninsule, suivant l'itinéraire des caravaniers pratiquant le commerce de l'encens et de la myrrhe. Mais on la connaît surtout par les inscriptions monumentales des royaumes nés de la vente des aromates (Ma'in, Saba, Qataban, Hadramaout), dont on place maintenant le début au ve siècle avant J.-C. Il se peut que les écritures du Sud aient servi de modèle aux alphabets nord-arabiques utilisés par les caravaniers parlant les dialectes du Nord, et dont les dates sont également peu sûres (dédanite et lihyanite, dans l'oasis d'el ‘Ela, ve et ier s. av. J.-C. ; thamoudéen, dans la région de Teima, ve siècle avant J.-C. ; safaïtique dans la région de Damas). Toutefois c'est certainement l'alphabet sud-arabique qui est à l'origine du syllabaire éthiopien (ive s. apr. J.-C.).
L'écriture paléo-hébraïque, attestée depuis le ixe siècle avant notre ère jusqu'à la dernière révolte contre l'Empire romain (132-135), s'est peu à peu différenciée de l'alphabet phénicien. Elle améliore son modèle en utilisant des matres lectionis, signes de consonnes faibles qui indiquent approximativement la voyelle qu'il faut lire entre deux consonnes.[...]
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Écrit par
- Gilbert LAFFORGUE : maître assistant à l'université de Paris-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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