ALPHABÉTISATION
Analphabétisme et alphabétisation
Questions de définition
Les statistiques actuelles donnent le plus souvent des taux d'alphabétisation (dits taux d'« alphabétisme ») et non d'analphabétisme. Ce changement dans le vocabulaire permet d'éviter d'utiliser le concept d'analphabétisme, jugé trop stigmatisant, même si par ailleurs la rhétorique du « déficit » ou du « handicap » perdure. Le terme analphabète demeure d'usage courant, mais les spécialistes usent davantage de celui d'« alphabète », pour désigner une personne ayant acquis un continuum de compétences, de la maîtrise de la lecture et de l'écriture jusqu'à la maîtrise d'un ensemble de connaissances et de savoir-faire relativement complexes.
Dans les pays développés, la notion d'illettrisme a été avancée pour désigner la situation de ceux qui, ayant été scolarisés, se révèlent incapables d'utiliser leurs connaissances pour répondre à certaines exigences minimales de la vie quotidienne (lecture et compréhension d'un mode d'emploi ou d'un horaire d'autobus, remplissage de formulaires administratifs, etc.).
Le besoin d'une définition conventionnelle s'est manifesté après le second conflit mondial, dans le contexte de la décolonisation, de l'affirmation des identités politiques et culturelles, de l'émergence d'une coopération internationale venant à l'appui des programmes nationaux d'éducation des adultes. À cet égard, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (U.N.E.S.C.O.), créée en 1946, a joué un rôle important. C'est ainsi qu'en 1951 un comité d'experts réuni par l'U.N.E.S.C.O. proposait une première définition selon laquelle pouvait être considérée comme alphabète toute « personne capable de lire et écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec sa vie quotidienne ». En conséquence, selon l'U.N.E.S.C.O., « une personne capable seulement de lire et d'écrire des chiffres et son nom doit être considérée comme analphabète, de même qu'une personne qui sait lire mais non écrire, ainsi qu'une personne qui ne peut lire et écrire qu'une expression rituelle apprise par cœur ».
Dans un premier temps, l'analphabétisme était considéré comme une sorte de fléau qu'il convenait d'« éradiquer » par des actions extensives et rapides. La faiblesse des résultats obtenus par une alphabétisation de type scolaire traditionnelle et le gaspillage des ressources et des efforts que révélait l'ampleur de l'analphabétisme de retour ont contribué au changement d'orientation opéré lors du Congrès mondial des ministres de l'Éducation, tenu à Téhéran en 1965, avec l'émergence du concept d'alphabétisation dite « fonctionnelle ».
En 1978, l'U.N.E.S.C.O. révise cette définition et ajoute cette précision : « Est fonctionnellement analphabète une personne incapable d'exercer toutes les activités pour lesquelles l'alphabétisation est nécessaire dans l'intérêt du bon fonctionnement de son groupe et de sa communauté, et aussi pour lui permettre de continuer à lire, à écrire et à calculer en vue de son propre développement et de celui de la communauté. »
Les « fonctionnalités » ambiguës de l'alphabétisation
D'un point de vue sociologique, toute action éducative est intrinsèquement fonctionnelle. L'approche dite « fonctionnelle » de l'alphabétisation qui se dessine dans les années 1960 a voulu se démarquer des objectifs et des méthodes de l'école primaire en soulignant qu'il s'agissait d'alphabétiser pour répondre aux préoccupations supposées des adultes. L'idée conductrice était celle d'une alphabétisation liée à l'effort général d'éducation et aux programmes de « développement[...]
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Écrit par
- Béatrice FRAENKEL : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (E.H.E.S.S.)
- Léon GANI : professeur des Universités en démographie, faculté des sciences humaines et sociales, université de Paris-V-Sorbonne
- Aïssatou MBODJ : agrégée de l'Université, A.T.E.R. à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
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