JUIN ALPHONSE (1888-1967) maréchal de France
Né en Algérie dans une famille modeste (il se plaisait à rappeler qu'il était fils de gendarme), sorti major de Saint-Cyr en 1912 dans la promotion du général de Gaulle, Alphonse Juin se bat au Maroc jusqu'en 1914 puis sur le front français avec les tabors marocains. Il y est cinq fois cité et y perd définitivement l'usage de son bras droit. Aide de camp du général Lyautey, il passe par l'École de guerre et regagne l'Afrique du Nord, où il commande le 3e zouave. Nommé général de brigade en 1938, il reçoit à la mobilisation le commandement de la 15e division d'infanterie motorisée. À Gembloux (Belgique), cette unité arrête un moment l'avance allemande puis, encerclée à Lille, combat jusqu'à l'épuisement de ses munitions. Juin, fait prisonnier, est interné à la forteresse de Königstein.
Libéré en 1941 sur la demande du gouvernement de Vichy, il succède à Weygand comme commandant en chef des forces d'Afrique du Nord. Quand les Anglo-Américains débarquent en Algérie et au Maroc, le 8 novembre 1942, Juin se rallie au général Giraud et reçoit le commandement des forces françaises engagées en Tunisie contre von Arnim et Rommel. Au prix de lourdes pertes, dues à l'insuffisance de leurs équipements, ces troupes contribuent en Afrique du Nord à la victoire alliée. Avec ce noyau, Juin forme le Corps expéditionnaire français en Italie. Fort de quatre divisions, le C.E.F. combat durement dans la Péninsule et se couvre de gloire à Cassino en prenant le Belvédère. Au printemps de 1944, Juin fait adopter par les Alliés un plan de manœuvre audacieux ; par sa victoire du Garigliano, il ouvre la route de Rome et de Sienne : l'armée française a retrouvé son prestige.
Après avoir rempli, de 1944 à 1947, les fonctions de chef d'état-major de la défense nationale, Juin revient au Maroc, cette fois comme résident général pour y mener une politique « d'ordre et de libéralisme » qu'il ne tarde pas à durcir à l'encontre du sultan Mohammed V ben Youssef et du parti nationaliste, en s'appuyant sur le Glaoui, pacha de Marrakech.
En 1951, Juin est nommé commandant en chef du secteur Centre-Europe de l'Organisation atlantique dont le commandant suprême est le général Eisenhower. Le 14 juillet 1952, il reçoit le bâton de maréchal de France. Cette dignité est conférée le même jour au général Leclerc (à titre posthume, comme elle l'a été à de Lattre le jour de ses funérailles en janvier). Le 20 novembre 1952, Juin est élu à l'Académie française ; dans un discours de réception plus politique que littéraire, il marque son opposition au sultan du Maroc (qui sera déposé peu après). Il entame alors une carrière d'écrivain, publie ses Mémoires, multiplie les souvenirs de campagne et les préfaces où il fustige, en « usant de son bâton de maréchal », les « gouvernements d'abandon » de la IVe République.
En mars 1954, après un discours où il critique la Communauté européenne de défense (« l'armée européenne »), il est démis de toutes les fonctions qu'il exerçait au sein d'organismes militaires français et désapprouvé par le conseil de l'O.T.A.N. Il donne sa caution en 1954 à la politique libérale de Mendès France en Tunisie, mais s'oppose en 1955 à une politique analogue d'Edgar Faure au Maroc, visant à restaurer le sultan exilé et l'indépendance du protectorat, ainsi qu'à tout abandon en Algérie.
Après avoir accueilli avec espoir le retour du général de Gaulle en 1958, il ne tarde pas à perdre ses illusions ; comme pied-noir et comme soldat, il s'oppose à la politique d'autodétermination. Mais de Gaulle se réconciliera au dernier moment avec ce grand soldat qui incarnait si bien une armée déchirée par des drames de conscience, par la défaite de 1940, par la perte de son rôle colonial[...]
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Écrit par
- Pierre GOBERT : ancien élève de l'École polytechnique, général
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