KARR ALPHONSE (1808-1890)
Journaliste et romancier français. Son premier roman, Sous les tilleuls (1832), connut immédiatement un succès large et durable ; s'ensuivit alors une série de titres, Une heure trop tard (1833), Fa dièze (1834), Vendredi soir (1835), Einerley (1838), etc., où se combinent, avec des bonheurs divers, les mêmes composantes : héros exalté, héroïne vaporeusement attendrie, évocation de la nature et du Vergiss-mein-nicht, sentimentalité et sensiblerie à fondement autobiographique, entremêlées de fantaisie ironique et bouffonne.
Il sacrifia peu à la mode du fantastique (Les Willis et La Main du diable, 1835) et trouva dans la vie des pêcheurs sur les côtes normandes, à Sainte-Adresse puis à Étretat, la veine nouvelle de son inspiration, sans modifier cependant sa manière, dont la spécificité avait fait sa réputation et qui bénéficiait d'un public assidu : Le Chemin le plus court (1836), Histoire de Romain d'Étretat (1836), La Famille Alain (1848), Clovis Gosselin (1851), La Pénélope normande (1855), etc.
Parmi son abondante production de romans dont le prétexte — l'histoire d'amour difficile — compte moins que les intrusions désinvoltes et humoristiques de l'auteur dans le cours du récit (Ce qu'il y a dans une bouteille d'encre : Geneviève, 1838 ; Clotilde, 1839 ; Hortense, 1841 ; Midi à quatorze heures, 1842 ; Feu Bressier, 1844 ; Agathe et Cécile, 1853...), on remarque un roman dirigé contre les études universitaires classiques, Raoul Desloges, ou Un homme fort en thème (1851), un conte pour enfants, Les Fées de la mer (1851), un Voyage autour de mon jardin (1845), roman par lettres exaltant la botanique et l'horticulture (auquel succédèrent les Lettres écrites de mon jardin, 1853 ; Promenades hors de mon jardin, 1856 ; Le Credo du jardinier, 1875...) ; un cas de bovarysme, Hélène (1891). Toute une part de l'œuvre d'Alphonse Karr relève en fait d'une « littérature de ciseaux et de colle » ; ainsi, Pour ne pas être treize (1841), Am Rauchen (1842), Contes et nouvelles (1852), Devant les tisons (1853), Les Soirées de Sainte-Adresse (1853), Histoires normandes (1855).
Pour constituer une œuvre romanesque d'importance, « il ne lui fallait plus qu'un peu de vouloir et ne pas mieux aimer se jouer, à chaque pause, du lecteur et de lui-même » (Sainte-Beuve).
Après avoir été rédacteur en chef du Figaro, il lança ses célèbres Guêpes, petites brochures satiriques mensuelles qu'il rédigea seul (1839-1846) ; la livraison de juin 1840 lui valut une tentative d'homicide de la part de Louise Colet qui s'y estimait diffamée. C'est dans les Guêpes que parut notamment son fameux pamphlet sur la peine de mort : « Que MM. les assassins commencent. » Il tentera en vain de retrouver cette verve spirituelle et sarcastique dans les Nouvelles Guêpes (1853-1855) où l'on ne trouve plus que platitude et aigreur.
En 1848, il fonda Le Journal pour soutenir la candidature de Cavaignac contre celle de Louis-Napoléon Bonaparte, et choisit, après le coup d'État de 1851, de s'établir à Nice, puis à Saint-Raphaël. Là, posant au vieux sage et fort de sa devise « bonne foi, bon sens », il publia successivement Le Livre des cent vérités (1848), Une poignée de vérités (1853), Trois Cents Pages, mélanges philosophiques (1858), Menus Propos (1859), Plus ça change et plus c'est la même chose (1875), Grains de bon sens (1880), Bourdonnements (1880), À l'encre verte (1881), Les Points sur les i (1882), À bas les masques ! (1883), Le Pot aux roses (1887), etc., recueils d'articles déjà parus dans des journaux ou revues divers.
De ses volumineuses Œuvres complètes il convient d'extraire les quatre volumes du Livre de bord (1879-1880), mémoires qui apportent un témoignage intéressant et original sur le siècle. Mais la réussite incontestable[...]
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Écrit par
- Patrice DUBOC : auteur
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