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ALTENBERG RICHARD ENGLÄNDER dit PETER (1859-1919)

Le poète Peter Altenberg est né à Vienne (Autriche), dans une famille de commerçants aisés. Après avoir reçu un enseignement secondaire prodigué par son précepteur, Altenberg poursuit des études de droit et de médecine qu'il abandonne rapidement pour mener une vie de bohème. Il fréquente alors les cafés de Vienne, tels que le Griensteidl et le café Central, où il devient une figure mythique. Il a pour amis les écrivains Karl Kraus, Arthur Schnitzler, Egon Friedell, le peintre Gustav Klimt et l'architecte Adolf Loos. Il fait également de fréquents séjours dans les Alpes autrichiennes (le Semmering, Gmunden, Sankt Wolfgang). Son œuvre se compose exclusivement de textes brefs — des « esquisses » — réunis en recueils. Il gardera toute sa vie, dans son œuvre comme pour ses proches, le pseudonyme de Peter Altenberg. « Peter » était le surnom d'une jeune fille (Bertha Lecher) qui fut une grande passion malheureuse de sa jeunesse et « Altenberg » le nom de la localité proche de Vienne où habitait cette jeune fille. Les dix dernières années de sa vie sont marquées par plusieurs séjours en maison de santé en raison de la grande fragilité de son système nerveux. Altenberg épuise son organisme par un abus d'alcool et de somnifères. Une pneumonie lui sera fatale.

Souvent en marge, c'est-à-dire en spectateur, Altenberg regarde la vie. Pour lui, la poésie se trouve dans la réalité du jour et de l'heure. Altenberg contemple les « nobles » dames qui sont en fait les femmes de la société bourgeoise de Vienne. Il décrit en des pages subtiles leur grâce, leur beauté et l'élégance de leurs vêtements. Son système nerveux hypersensible le rend très réceptif aux détails érotiques de la femme, aux contacts, aux odeurs. Mais derrière cette grâce, il perçoit aussi les états d'âme de la femme qui ne s'épanouit pas, souffre, et parfois se brise auprès d'un homme qui ne la comprend pas. Altenberg chante les femmes mais elles le font souffrir. Il peut alors écrire des pages cinglantes où il reprend les théories misogynes d'Otto Weininger, l'auteur de Sexe et Caractère (1903), ou bien évoque le Suédois August Strindberg qu'il admire profondément. Il prend à partie la société bourgeoise, dont il est issu, fustige ses préjugés et ses insuffisances. Elle serait une entrave aux desseins de Dieu qui veut que l'homme se dépasse et accède à l'état de « surhomme » en se « dématérialisant » et en devenant toujours davantage esprit. En 1900, suivant l'exemple de Karl Kraus, il renie la religion israélite, car le Juif s'opposerait à cette évolution vers le modèle idéal qu'est le Christ. Altenberg observe et dépeint aussi les jeux et les réactions des enfants, surtout des petites filles. La nature est également une source essentielle de son inspiration. Il trouve cette nature dans les Alpes (Semmering, 1913) mais aussi dans les jardins de Vienne. Il la décrit avec la sensibilité d'un Maurice Maeterlinck ou d'un Knut Hamsun (deux auteurs très importants pour Altenberg) mais en privilégiant toujours le terme vernaculaire.

L'œuvre de Peter Altenberg se compose de quatorze recueils d'esquisses. Son plus beau livre est indubitablement le premier : Wie ich es sehe (Les Choses comme je les vois), publié en 1896. Altenberg fait entrer le lecteur dans la société bourgeoise de Vienne, à la fin du siècle. Après Was der Tag mir zuträgt, 1901 (Ce que le jour m'apporte) et Märchen des Lebens, 1908 (Contes de la vie), l'écriture d'Altenberg reflète une santé qui se délabre. Le texte se réduit jusqu'à l'aphorisme : Fechsung, 1915 (Vendange) et Nachfechsung, 1916 (Seconde Vendange). Celui qui se voulait hygiéniste, diététicien et précurseur (Prodromos, 1906) ne le fut pas pour lui-même. À la fin de sa vie, Altenberg se[...]

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