- 1. L'affirmation du sujet : le « cogito » cartésien
- 2. L'intentionnalité husserlienne : une « reconstruction » de l'autre
- 3. Heidegger et l'être-auprès-de
- 4. Vers une reconnaissance de l'expérience d'autrui : Kant, Scheler
- 5. Sartre et la conscience pour autrui
- 6. Levinas : l'Autre comme visage
- 7. Paul Ricœur : une dialectique du soi et de l'autre
- 8. Bibliographie
ALTÉRITÉ, philosophie
Sartre et la conscience pour autrui
Opposé aux doctrines du sujet transcendantal, L'Être et le Néant (1943) se présente comme une ontologie phénoménologique où Sartre va « tenter pour Autrui ce que Descartes a tenté pour Dieu ». L'hypothèse husserlienne d'un ego, foyer des actes de la conscience, est ici récusée comme inutile. L'exemple de la honte est censé montrer qu'il est impossible d'échapper au solipsisme si l'on envisage le Moi et Autrui sous l'aspect de deux substances séparées. Lorsque je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire, ce geste colle à moi sans que je le juge, je me contente de le réaliser sur le mode du pour-soi. Mais, dès lors qu'Autrui m'a vu, je prends conscience de la vulgarité de mon geste et j'en éprouve de la honte. Le regard qu'Autrui porte sur moi comme sur un objet me met en demeure de porter un jugement sur moi-même. Par le regard qu'autrui pose sur moi, il me révèle à moi-même comme objet, me fait accéder à la reconnaissance de moi comme ego. Mon être est un être-vu : « J'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être, le Pour-soi renvoie au Pour autrui » (L'Être et le Néant).
Toutefois, la structure de la rencontre d'autrui n'est ni de connaissance, ni de constitution, mais factice, contingente, et l'ego réside « dehors », dans le monde, au même titre que l'ego d'autrui. Par là même, autrui me nie dans mon être de pur surgissement conscientiel, me fige en objet. Ce regard est donc une violence, tout se passant comme si autrui me volait ma propre subjectivité, en venant m'habiter, me déloger de moi-même. Simultanément, autrui m'échappe puisque je le rencontre en tant qu'il n'existe pas pour moi, mais existe pour lui comme pure liberté. L'existence d'autrui ne peut dès lors qu'être placée sous le signe du conflit : « autrui, en effet c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi [...] et que je ne suis pas. Ce ne-pas indique un néant comme élément de séparation donné entre autrui et moi-même » (ibid.). Toute morale altruiste s'avère impossible, autrui étant seulement l'instrument au moyen duquel je me reconnais moi-même comme ego.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Sylvie COURTINE-DENAMY : docteure en philosophie, écrivain, traductrice
Classification
Médias
Autres références
-
ALTRUISME
- Écrit par Guy PETITDEMANGE
- 3 328 mots
- 1 média
-
ARON RAYMOND (1905-1983)
- Écrit par Bernard GUILLEMAIN
- 6 092 mots
Comment puis-je être moi parmi les autres, comment puis-je être moi et comprendre les autres, comment puis-je être moi, c'est-à-dire l'autre de tous les autres ? Cette triple interrogation évoque le Montesquieu des Lettres persanes et son « Comment peut-on être persan ? ». Elle renouvelait... -
AUTRE, psychanalyse
- Écrit par Alexandre ABENSOUR
- 1 306 mots
Le débat philosophique sur autrui est inséparable de la question du primat de la conscience : comment expliquer l'existence d'une autre conscience, sous quelles modalités la rencontrer ?
La doctrine qui va produire un impact certain sur les réflexions proprement psychologiques est celle...
-
CROYANCE
- Écrit par Paul RICŒUR
- 11 987 mots
...croyance-foi ? Si elle n'a plus de place dans la constitution de la chose, elle en retrouve une dans la constitution d'autrui (croire en..., se fier à...). Le mot « foi » serait alors l'indice de l'altérité irréductible, de l'autre en tant qu'autre. Il n'est pas étonnant, dès lors, qu'il... - Afficher les 27 références