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ĀLVĀR

Le recueil poétique

L'ensemble des œuvres des Āḻvār est un recueil appelé Nālāyirativyappirapantam, la « Divine Composition en quatre mille », qui, en effet, contient environ 4 000 strophes, chacune de 4 à 8 vers, allant parfois jusqu'à 10 et 15 (sauf trois pièces, comptant chacune pour un numéro, et qui contiennent 46, 80 et 297 vers). Le plus grand nombre de ces textes est dû à Nammāḻvār (1 351) et à Tirumaṇkai (1 296).

Selon la légende, Tirumaṇkai, chef de bande au service d'un souverain, avait fait le vœu de nourrir mille fidèles de Viṣṇu chaque jour et volait pour y parvenir. Son vœu ne découlait pas, primitivement, de la dévotion, mais résultait d'un engagement pris pour pouvoir épouser une jeune fille, née par la grâce de Viṣṇu, et qui devait, graduellement, l'amener à une conversion sincère.

Nammāḻvār, « Notre āḻvār », nommé en sanskrit Śaṭhakopa, « Celui qu'enrage le mensonge », est le plus grand de tous. Il est né dans l'Extrême Sud à Āḻvārtirunakari. Enfant inerte et muet, il se serait tout à coup mis à parler et à composer ses poèmes lors d'une visite d'un autre Āḻvār, Maturakavi. Son œuvre principale est le Tiruvāymoḻi, la « Parole de la bouche fortunée ». On l'a appelée secondairement Dramiḍopaniṣad, l'« Upaniṣad tamoule », parce que les upaniṣad sont des textes sur l'exégèse desquels s'appuie la philosophie classique du vedānta, tandis que, de son côté, ce texte tamoul contient les principes de la philosophie du vedānta telle que l'a conçue et illustrée le philosophe Rāmānuja au xiie siècle. Nammāḻvār, comme devait le faire précisément Rāmānuja, voit Dieu, substrat de toute réalité, en toutes choses, alors que le vedānta de Śankara ne reconnaissait pas la réalité, mais seulement l'illusion de la représentation subjective du monde extérieur. Pour Nammāḻvār, le miracle de l'omniprésence de Dieu se double de celui de sa manifestation à l'homme sous des formes susceptibles d'éveiller en lui l'amour divin qui le sauvera de la condition humaine. Sous l'aspect de Kṛṣṇa, d'abord enfant qui attendrit toutes les mères, jeune homme, ensuite, qui ravit tous les cœurs, Dieu s'offre comme objet à la dévotion (bhakti). Le poète qui, souvent, s'identifie à l'amante du Dieu, est alors transporté de reconnaissance et de passion, mais souffre toutes les peines de l'absence, est animé de toutes les jalousies, dans les moments de sécheresse où il se croit abandonné de Dieu. La situation psychologique de Nammāḻvār est analogue à celle de la plupart des grands mystiques.

Les autres Āḻvār exaltent pareillement la perfection infinie de Dieu et sa charité qui le fait, lui transcendant au monde, être aussi immanent à ce monde et s'offrir à l'amour humain. Ils s'émerveillent du contraste entre la grandeur divine et la petitesse de l'homme. Ils veulent être les esclaves de Dieu, voire, comme Toṇṭaraḍippoṭi (dont le nom signifie « Poussière des pieds des dévots »), les esclaves des dévots. Ils vont parfois jusqu'à ne pas demander la délivrance de la condition humaine et la réunion à Dieu. Ils veulent rester à jamais ses humbles serviteurs, car c'est dans cette situation qu'ils peuvent le mieux sentir le miracle de sa grandeur et de sa sollicitude.

Āṇṭāḷ est fille adoptive de Periyāḻvār (ixe siècle). Elle est chargée de préparer des guirlandes pour parer chaque jour l'image divine, mais Periyāḻvār la surprend s'en parant elle-même d'abord, pour se mirer dans un puits. Il croit l'offrande profanée, mais Viṣṇu lui apparaît en songe et lui révèle qu'il désire uniquement les guirlandes qu'a portées Āṇṭāḷ. On célèbre le mariage d'Āṇṭāḷ avec Viṣṇu sous la forme de Raṇganātha à Śrīrangam (près[...]

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  • : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France

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