CUNHAL ÁLVARO (1913-2005)
Álvaro Cunhal, leader historique et charismatique du Parti communiste portugais (P.C.P.) pendant plusieurs décennies, a incarné à la fois la lutte inlassable contre la dictature salazariste et la plus stricte orthodoxie marxiste-léniniste, hostile à toute forme de rénovation.
Né le 10 novembre 1913 à Coimbra, Álvaro Cunhal, dont le père est avocat libéral, rejoint Lisbonne à l'âge de onze ans pour y faire ses études et s'inscrire à la faculté de droit. Dès 1934, il adhère au P.C.P., que le régime salazariste vient de rendre illégal. Secrétaire général de la jeunesse communiste en 1935, il entre l'année suivante au comité central d'un parti inlassablement pourchassé par la police politique salazariste. Surnommé « Daniel » par ses camarades et « Duarte » dans la clandestinité, il est de toutes les luttes contre Salazar, et se retrouve emprisonné une première fois en juin 1937. En 1940, il obtient sa licence en droit après avoir soutenu brillamment, sous escorte militaire, son mémoire de fin d'études sur « la réalité sociale de l'avortement ».
Figure de proue d'un parti décapité par la police politique, Álvaro Cunhal réorganise le P.C.P. dont il tente de rompre l'isolement international en se rapprochant de l'Union soviétique, où il se rend en 1947. À nouveau arrêté en mars 1949, il est condamné à l'issue d'un procès au cours duquel il se livre à une virulente dénonciation du régime salazariste et se présente comme « le fils adoptif du prolétariat ». Il passe onze années en prison, dont huit d'isolement total, confortant cette image d'inflexibilité qui lui confère une légitimité et une aura quasi mythique au sein du mouvement communiste. En janvier 1960, il s'évade de façon spectaculaire de la forteresse de Peniche. Dans la clandestinité, il devient, en 1961, secrétaire général du P.C.P. À partir de 1962, il s'exile à Moscou, en Tchécoslovaquie et en Roumanie, puis à Paris, où il assiste aux événements de mai 1968 et où la révolution des Œillets le surprend le 25 avril 1974.
De retour à Lisbonne le 30 avril 1974, il est accueilli en héros et devient l'un des personnages clés du processus révolutionnaire. Ministre sans portefeuille des quatre premiers gouvernements provisoires (mai 1974-août 1975), il tente de faire du Portugal une démocratie populaire. Le verdict des urnes lors des premières élections libres, le 25 avril 1975, où le P.C.P. est largement distancé, la détermination des partisans du pluralisme politique, les dérives de « l'été chaud » de 1975, où le pays est au bord de la guerre civile, enfin l'échec du coup d'État du 25 novembre 1975 sonnent le glas des espoirs du P.C.P. de s'emparer du pouvoir. Cunhal écrira plus tard que « les forces capitalistes du monde entier, lorsqu'elles ont vu le déroulement de la révolution au Portugal – une révolution profondément populaire et militaire, avec des transformations de caractère économique et social, grâce à la grande influence des communistes – se sont mobilisées pour empêcher le processus, pour suivre la ligne de la C.I.A. ».
Député à l'Assemblée de 1975 à 1992, Álvaro Cunhal se pose en contempteur de la jeune démocratie portugaise, en arbitre parfois, mais sans parvenir à empêcher l'importante érosion électorale du P.C.P. S'il renonce à ses fonctions de secrétaire général en 1992 au profit de Carlos Carvalhas, il continue de jouer un rôle clé au sein de son parti, s'opposant avec fermeté aux rénovateurs et à tout abandon de la référence au marxisme-léninisme.
Discret sur sa vie privée, d'une fidélité absolue aux idéaux du Parti, Cunhal laisse une œuvre – tardivement révélée – de romancier, sous le pseudonyme de Manuel Tiago, ainsi que de peintre et de graveur, sous le nom d'António Vale. Il est mort[...]
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Écrit par
- Yves LÉONARD : maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, chercheur associé au Centre d'histoire de Sciences Po
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