AMAURY-DUVAL EUGÈNE EMMANUEL PINEU-DUVAL dit (1808-1885)
Sans doute l'un des plus originaux et des mieux doués des élèves d'Ingres, Amaury-Duval se contenta d'une carrière honorable et discrète. Peintre à la production rare, appartenant par sa famille à l'intelligentsia parisienne (son père, membre de l'Institut, fondateur de la Décade philosophique, rédacteur du Mercure, était un remarquable érudit et historien archéologue), Amaury-Duval avait des qualités d'analyste et d'écrivain qui donnent une très grande valeur à ses écrits. L'Atelier d'Ingres (1878) vaut pour la famille ingresque le témoignage d'Étienne-Jean Delécluze sur Louis David. Son école, son temps (1855), et révèle l'humour et la finesse de l'homme.
« Vous serez un peintre [...] aimable », avait dit Ingres à son élève ; en fait, Amaury-Duval illustre assez bien la tendance archaïsante et préraphaélite d'un certain nombre d'élèves de l'atelier d'Ingres séduits par les primitifs et allant plus loin que le maître dans la voie qu'il avait ouverte avec des œuvres comme Paolo et Francesca (1819, musée d'Angers). Ainsi, dans la décoration de la chapelle de la Vierge de Saint-Germain-l'Auxerrois, Amaury-Duval s'inspire-t-il directement de Fra Angelico. Le choix même de la référence est intéressant. Alors que Flandrin, par exemple, est plus sensible à la leçon monumentale et grave de Giotto, Amaury-Duval se laisse volontiers aller à des gracilités linéaires, à la limite de la fadeur, qui correspondent à l'idée que l'on se faisait au xixe siècle de Fra Angelico. De même, l'Annonciation (musée de Mâcon) évoque plus les peintres florentins du Quattrocento que Raphaël lui-même. Amaury-Duval peut ainsi apparaître comme un des représentants français de ce mouvement archaïsant qui, au début du siècle, avec les nazaréens allemands et, en son milieu, avec les préraphaélites anglais a marqué toute la peinture européenne.
Le portraitiste est resté plus accessible à la sensibilité contemporaine. Et pourtant, le portrait de Rachel (1854, Comédie-Française), celui même de Madame de Luynes (1862, Louvre), si ingresque dans le jeu des ovales et le dessin désarticulé de la main, ont une rigueur sèche, un coloris froid qui font bien sentir la distance entre Ingres et ses élèves, toujours plus systématiques dans leurs partis pris. Par rapport toutefois à Jules Claude Ziegler (1804-1856) ou à Victor Louis Mottez (1809-1897), Amaury-Duval s'inscrit comme le tenant d'un art tendre et subtil.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bruno FOUCART : professeur à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Autres références
-
L'ATELIER D'INGRES, Eugène Emmanuel Amaury-Duval - Fiche de lecture
- Écrit par Adrien GOETZ
- 1 026 mots
- 1 média
À la suite d'Étienne Jean Delécluze, élève de David et critique d'art, qui avait publié, en 1855, Louis David, son école et son temps, Eugène Emmanuel Amaury Pineu-Duval dit Amaury-Duval (1808-1885), disciple d'Ingres, rend hommage à son maître dans un ouvrage vivant, fourmillant...
-
ATELIER, art
- Écrit par Marie-José MONDZAIN-BAUDINET
- 5 946 mots
- 9 médias
...Enseignement et création sont séparés. L'un des témoignages les plus vivants de cette atmosphère nous est donné par L'Atelier d'Ingres d' Amaury Duval. Malgré toute la vénération de Duval pour son maître, il reconnaît qu'Ingres était fort mauvais pédagogue. L'idée du génie artistique est...