AMBROISE DE MILAN (339-397)
Ambroise de Milan, un des Pères de l'Église latine, né à Trèves en 339, mort à Milan en 397, a occupé le siège épiscopal de Milan de 374 à 397.
Sa politique religieuse achève la christianisation des institutions impériales romaines commencée au début du ive siècle par Constantin, et aboutit en Occident à la suprématie de l'Église sur l'empereur dans le domaine religieux. Ses sermons et traités théologiques, presque tous adaptés ou traduits de sources grecques, se situent dans la tradition exégétique de Philon et d'Origène. Ambroise a transmis au Moyen Âge, après l'avoir hérité d'Origène, l'interprétation de la figure de l'« Épouse », dans le Cantique des cantiques, comme type de l'Église et de l'âme, épouses du Christ, et a ainsi définitivement fondé l'idéal de la virginité sur le mariage mystique entre l'âme et le Verbe.
La personnalité d'Ambroise : christianisme et romanité
On a dit d'Ambroise qu'il était « un grand prince de l'Église, faisant revivre, au sein d'une nouvelle forme de vie, les capacités politiques des sénateurs stoïciens du temps de Cicéron » (E. Bickel). En ce sens, bien que chrétien de naissance, Ambroise reste un Romain et même un ancien Romain. Pour lui, romanité et chrétienté s'identifient. À une époque où l'idée théocratique byzantine commence à se développer, son attitude politique a encore quelque chose de républicain : le pouvoir de l'empereur n'est pas absolu et reste soumis aux lois qu'il a édictées (Lettres XXI, 9 et XL, 2). Ambroise ne craint pas, d'ailleurs, de mobiliser la foule contre le pouvoir impérial et de rendre ainsi le peuple conscient de ses responsabilités politiques. Lorsque en 386 l'impératrice Justine veut attribuer une église de Milan à un évêque arien, Ambroise fait occuper la basilique Porciana par ses fidèles, maintient jour et nuit l'enthousiasme collectif en faisant chanter à la foule psaumes et hymnes, selon la coutume de l'Église grecque, qui s'introduira de la sorte en Occident, et oblige ainsi finalement l'impératrice à capituler devant cette arme nouvelle : la résistance passive. Mais Ambroise sait aussi traiter directement avec les grands et les puissants, que ce soit avec l'usurpateur Maxime, pour défendre les droits du jeune Valentinien II (383-384), ou avec Théodose, dont la forte personnalité finira par être conquise par Ambroise (388-395).
Le stoïcisme romain revit aussi, sous une forme nouvelle, dans le De officiis ministrorum d'Ambroise. Aux hommes d'action de son temps, Cicéron avait proposé un manuel stoïcien de conduite pratique, qu'il avait dédié à son fils. À ses fils spirituels, les ministres de l'Église, Ambroise dédie un ouvrage de titre analogue, et qui suit, point par point, le plan du traité de Cicéron. C'est qu'Ambroise perçoit une analogie entre les devoirs des fonctionnaires sacrés et ceux des hauts fonctionnaires de l'État romain. Mais, aux principes philosophiques et aux exemples stoïciens et romains, Ambroise substitue principes et exemples tirés de l'Écriture sainte. Caritas remplace Iustitia, Fidess'identifie à Sapientia.
La même christianisation des traditions romaines s'accomplit dans la prédication d'Ambroise. Cet homme d'action est un orateur dont l'éloquence, parée de tous les prestiges de la rhétorique, séduira tout spécialement Augustin. Comme Cicéron et Sénèque, Ambroise sait adapter rapidement à des fins d'exhortation et d'édification les œuvres spéculatives des Grecs, en laissant de côté les subtilités, indignes d'un Romain. Mais, cette fois, les sources grecques d'Ambroise, surtout Philon et Origène, sont « mystiques » au sens large du mot. Et Ambroise, homme d'action, est un méditatif, Augustin s'étonnera,[...]
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Écrit par
- Pierre HADOT : professeur au Collège de France
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