- 1. Émergence d'un principe spirituel du vivant
- 2. Avènement de la « psychologie » avec Socrate, Platon et Aristote
- 3. Éclipse et retour des doctrines sur l'âme à la période hellénistique et romaine
- 4. La notion d'âme dans la révélation judéo-chrétienne
- 5. La notion d'âme, de la Renaissance à l'époque contemporaine
- 6. Bibliographie
ÂME
La notion d'âme dans la révélation judéo-chrétienne
La Bible présente constamment l'homme comme composé de trois éléments : la néfesh, le basar et la ruah. La néfesh, c'est la gorge, l'organe de la respiration, qui en est venu rapidement à désigner tout appétit et désir et finalement à recouvrir tout le moi. La néfesh, c'est la personne. Le basar, c'est la manifestation concrète de la néfesh, c'est-à-dire le cœur, les reins, le foie, bref le corps en tant qu'il exprime les sentiments de la néfesh. Mais ce qui assure l'existence du composé néfesh-basar, c'est la ruah, c'est-à-dire l'Esprit communiqué par Dieu (Genèse, ii, 7). La ruah est donc le lien de l'homme à Dieu, la présence de Dieu dans l'homme.
Pour saint Paul(I Corinthiens, xv, 35-53), comme pour la tradition biblique, la ψυχή (néfesh) est le principe de vie qui anime le corps ; elle est son âme vivante et peut servir à désigner tout l'homme. Mais elle est dominée par le ευ̃μα (ruah) pour que l'homme soit rempli de vie divine. Cette possession de l'homme par le ευ̃μα commence dès cette vie mortelle par le don du Saint-Esprit(Romains, v, 5), mais n'obtient son plein effet qu'après la mort. Aussi le christianisme conçoit-il l'immortalité dans la restauration intégrale de l'homme, c'est-à-dire dans la résurrection du corps par l'Esprit, don que Dieu a retiré de l'homme à la suite du péché(Genèse, vi, 3) et qu'il lui rend par l'union au Christ ressuscité. La ψυχή se transfigure en quelque sorte en πνευ̃μα, qui opère la glorification et l'incorruptibilité du corps de l'homme. À l'inverse, donc, de la philosophie grecque, la révélation chrétienne enseigne une sorte de transformation de l'âme et du corps dans l'immortalité divine. Aussi la résurrection des corps a-t-elle été la première pierre d'achoppement pour les philosophes païens (Actes des Apôtres, xvii, 32).
On peut aussi présenter la doctrine chrétienne comme un aboutissement de la philosophie grecque. L'âme, principe spirituel, perfectionnée par le don de l'Esprit-Saint procuré par Jésus, est rendue capable d'immortaliser son propre corps. Déjà dans le cours du ier siècle avant J.-C., l'influence grecque se fait fortement sentir dans les livres sapientiaux de la Bible. Les Pères de l'Église, tant grecs que latins, pour exprimer les vérités de foi, ont eu souvent recours aux catégories de pensée du monde gréco-latin. Il est même arrivé que le mode de pensée païen prenant le dessus entraîne la théologie chrétienne dans les déformations du gnosticisme.
Il n'en reste pas moins que le christianisme, en enseignant l'incarnation du Fils de Dieu, et en l'expliquant par l'union de la nature divine et de la nature humaine, corps et âme, a utilisé et du même coup renforcé la doctrine de l'âme élaborée par des siècles de philosophie grecque. Et la parole de Jésus : « Qui veut sauver sa vie (ψυχή) la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » (Matthieu, xvi, 25), a toujours été entendue par le croyant comme un appel divin à devenir en Jésus homme parfait, corps et âme.
En 1956, dans son livre Immortalité de l'âme, ou Résurrection des morts ?, Oscar Cullmann a établi (justement, selon nous) que le Nouveau Testament enseigne, sur le sort individuel de l'homme après la mort, non pas l'immortalité de l'âme mais la résurrection des morts. Cette thèse a ouvert un grand débat qui n'est pas clos. On peut, toutefois, avancer qu'il n'y a peut-être pas autant de contradiction entre les deux formules que n'en voit Cullmann. Ces deux vues complémentaires sur l'au-delà ne sont pas à situer au même niveau épistémologique. Mais il nous semble vrai de maintenir que, seule,[...]
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Écrit par
- Pierre CLAIR : docteur ès lettres
- Henri Dominique SAFFREY : maître de recherche au C.N.R.S.
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