MODIGLIANI AMEDEO (1884-1920)
Le mot de Vlaminck, confirmé plus tard par Cocteau : « C'était un aristocrate », semble résumer le mieux la personnalité et l'œuvre de Modigliani. En effet, Modigliani s'est distingué de l'opinion commune et par sa vie brève et « scandaleuse » et par son art, dont l'élégance et le raffinement confinent parfois à la préciosité. Voué à la recherche du « style », mais indifférent aux théories, Modigliani ne fit qu'effleurer le fauvisme, l'expressionnisme ou le cubisme, courants qui départagent les artistes de son temps. Ainsi son œuvre, bien que parfaitement cohérente avec elle-même, est-elle inclassable stylistiquement ou même historiquement.
Un Italien à Paris
La vie de Modigliani est à la fois bien et mal connue. Modigliani est devenu le héros de la bohème, incarnant à lui seul toutes les passions, toutes les folies de l'artiste maudit, au gré de la fantaisie de ses biographes et de ses nombreux amis. En s'en tenant strictement aux faits, sa fille, Jeanne Modigliani, s'est attachée, dans la mesure du possible, à démêler la vérité de la légende (Modigliani, A. Biro, Paris, 1990).
Amedeo Modigliani naît à Livourne, d'une famille de juifs italiens. Très vite, il montre des dons pour le dessin, si bien qu'il quitte précocement l'école, pour suivre les cours de peinture du paysagiste Micheli. Celui-ci fait partie du groupe des macchiaioli (de macchia, tache), qui peignent des paysages baignés de lumière et d'un romantisme douçeâtre. En 1901, atteint de tuberculose, il quitte Livourne pour visiter les musées de Naples, de Rome, de Florence où il restera un an afin de suivre les cours de la Scuola libera di nudo de l'académie des Beaux-Arts. En 1903, il poursuit sa formation à l'académie des Beaux-Arts de Venise ; il y demeure jusqu'en 1906, date de son départ pour Paris où il découvre un nouveau milieu en pleine effervescence. Il fait connaissance du groupe du Bateau-Lavoir, où Picasso règne en maître, et de tous les « Montparnos », dont Max Jacob, Apollinaire, Cendrars et plus tard Utrillo et Soutine, qui seront ses plus fidèles amis. En 1907, il rencontre le docteur Paul Alexandre, son premier acheteur. En 1908, il expose au salon des Indépendants cinq toiles et un dessin, et continuera à y exposer assez régulièrement. En 1909, il rencontre Brancusi, qui l'encourage à sculpter. En 1914, il fait successivement la connaissance de Paul Guillaume, son premier marchand, et de Léopold Zborowski qui, plus qu'un marchand, fut un ami et un protecteur inlassable. En effet, dès 1909, la santé déjà fragile de Modigliani était mise à rude épreuve par des excès de toutes sortes ; alcool, drogues, femmes. S'il a eu, semble-t-il, de nombreuses et tumultueuses passions, trois femmes ont réellement compté : Lunia Czekowska, son « amie spirituelle » ; Béatrice Hastings, avec qui il eut une liaison orageuse, et enfin Jeanne Hébuterne, qu'il connut en 1917 et qui devint sa femme. À partir de 1917, ses œuvres commencent à se faire connaître, mais une exposition de ses nus, à la galerie Berthe-Weil, est fermée par la police pour atteinte à la pudeur. Il meurt à Paris, miné par l'alcool et la tuberculose.
Si l'on a séparé volontairement la vie et l'œuvre de Modigliani, c'est que celle-ci a toujours été réalisée à une certaine distance de celle-là (contrairement à l'opinion communément admise). Ainsi, au dire de ses amis, Modigliani ne discutait jamais de problèmes artistiques et le seul témoignage sur ses conceptions esthétiques est une lettre adressée à son ami Ghiglia en 1901 : « Crois-moi, seule l'œuvre arrivée désormais à son stade complet de gestation, qui a pris corps et s'est libérée des entraves de tous les incidents particuliers qui ont contribué à la féconder et à la produire, seule cette œuvre vaut la peine d'être exprimée et produite[...]
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Écrit par
- Claude SCHWEISGUTH : licenciée en art et archéologie, documentaliste au Centre national d'art contemporain, Paris
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Médias
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