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AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE

Les organismes et leurs modes d'intervention

Il est possible de se faire une assez bonne idée des politiques linguistiques menées par les pays en examinant les types d'organismes de politique linguistique qu'ils ont mis en place. J. M. Eloy et M. Sztrum identifient — en dépit de la situation politique de certains pays qui rend difficile tout recensement en ce domaine — près de trois cents organismes de ce type. On constate qu'ils sont de nature très diverse, dans la mesure où ils n'ont pas à traiter, à la même échelle, des mêmes problèmes. Il existe certes de grandes différences entre le Centre de normalisation de la langue aranaise du val d'Aran qui s'applique, avec des moyens très réduits, à la survivance d'une langue sur un territoire limité, et les services de politique linguistique développés par des États puissants, comme le Canada ou la France.

De ce fait, le statut des organismes de politique linguistique se révèle extrêmement varié : soit insertion directe au cœur du pouvoir politique (comme, en France, le Conseil supérieur à la langue française et la Délégation générale à la langue française, rattachés au Premier ministre), soit service relevant d'un ministère (l'Office de la langue française du Québec, dépendant du ministère de la Culture), soit encore section spécialisée d'un ministère non spécialisé, département linguistique d'une université, association, etc. Mais il reste difficile, dans l'état des descriptions dont on dispose, de faire des parallèles. Ainsi, le nom d'académie peut recouvrir des réalités extrêmement variées. Il est possible de considérer que se sont dotés d'académies, dans un sens relativement voisin de celui où nous l'entendons en France, des pays comme la Bolivie, le Brésil, la Colombie, Cuba, l'Égypte, l'Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Panamá, le Pérou, le Salvador, le Venezuela. On remarque le succès de la formule dans les pays de langue espagnole. Même les États-Unis possèdent plusieurs académies : Academia puertorriquena de la lengua et Academia norteamericana de la lengua española. Un organisme se signale par ailleurs par le fait qu'il intègre le terme d'aménagement linguistique dans son titre, ce qui démontre qu'il est récent : il s'agit du Conseil national d'aménagement linguistique de la République centrafricaine.

Il est possible d'imaginer, pour chacun des pays, la diversité des problématiques qu'ont à aborder ces organismes, qui dépend certes de la situation politique des pays, mais aussi de la situation linguistique. Ainsi, certains pays comptent plusieurs langues officielles, comme l'Afrique du Sud, qui en a onze : anglais, afrikaans, zoulou, xhosa, tswana, sotho du nord, sotho du sud, tsonga, swati, ndebele, venda — la question se posant de savoir s'il faut y ajouter des langues d'immigration récente, comme le hindi, le tamil et le gujerati. Et, dans la pratique, l'importance de ces langues est variable : si le zoulou est parlé par 22 p. 100 de la population, l'anglais reste la langue la plus couramment comprise.

Les mesures d'intervention peuvent être, de ce fait, extrêmement variées. D'après les premières descriptions d'ensemble qui commencent à être faites sur les organismes de politique linguistique dans le monde, il est notable que leur action s'applique notamment à : la création d'écritures et de systèmes de transcription (graphologie) ; la création de vocabulaires (néologie) ; la description — recherche de règles, comparaison entre langues, études sociologiques (sociolinguistique), etc. ; la normalisation — réglementation de l'écriture, de l'orthographe, de la grammaire, du lexique, du bon usage (stylistique), etc. ; la traduction — harmonisation des vocabulaires[...]

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Écrit par

  • : agrégé de grammaire, docteur en linguistique, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne

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