AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Les débats actuels
Deux évolutions majeures caractérisent les politiques d'aménagement du territoire depuis le début des années 1980. D'abord, les fondements de la politique publique changent. Au couple équilibre territorial et bien-être qui la constitue, la notion ajoute d'autres logiques telle l'équité. Viser l'équité territoriale, comme le dit François Ascher (Métapolis ou l'Avenir des villes, 1995), « Ce n'est plus poursuivre une égalité des chances mythique pour des territoires et leurs populations. C'est remplacer un droit à l'égalité impossible à mettre en œuvre dans ce domaine par un droit à disposer d'une chance de développement adaptée aux spécificités du territoire. » Cette approche valorise le développement local. Cependant, un autre objectif, celui de la performance du territoire, peut entrer en contradiction avec le premier : par exemple, le renforcement des métropoles régionales, s'il est indispensable à la croissance du pays, peut apparaître au premier abord en contradiction avec le souci de développement des espaces ruraux qui anime les politiques d'aménagement du territoire en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Jean-Paul Lacaze (L'Aménagement du territoire, 1995) pose ainsi la question suivante : « Faut-il aider les [territoires] plus dynamiques pour les rendre plus efficaces dans la compétition économique internationale ou privilégier les plus mal lotis au nom de la solidarité ? »
La seconde évolution tient au fait que des acteurs plus nombreux œuvrent dans l'aménagement : l'État, mais aussi les régions, les départements, les villes et toutes les autres collectivités locales. On peut aussi ajouter à cette liste non restrictive les entreprises qui, par leurs choix d'implantation, participent à l'aménagement du territoire ou au « déménagement » de celui-ci. L'Union européenne n'a pas de compétence dans ce domaine ; néanmoins, un schéma d'organisation de l'espace et des aides regroupées dans le budget de la politique régionale constituent des éléments d'une politique européenne d'aménagement.
Chacun des acteurs produit des politiques publiques dans le cadre du périmètre géographique de son institution (région, département). Les travaux des géographes mettent alors en évidence l'inadéquation qui existe entre des logiques de mobilité et la rigidité des découpages administratifs, en plaidant pour des territoires de projets qui correspondent davantage aux territoires vécus. Ce débat sur les mailles administratives est ancien puisque Étienne Juillard et Bernard Kayser notamment s'interrogeaient déjà dans les années 1960 sur le sens des découpages du territoire.
Les actions entreprises par les acteurs de l'aménagement dans le cadre des politiques publiques se heurtent à différentes limites. Ainsi, les politiques d'aménagement du territoire sont le plus souvent incitatives pour ce qui est de la localisation des activités ou des individus. En revanche, le choix de la réalisation d'équipements lourds par l'État, même s'il fait l'objet d'une concertation, peut être décidé de manière radicale sous couvert d'intérêt collectif.
Une autre limite des politiques d'aménagement est l'égoïsme socio-spatial, bien défini par Alain Reynaud : « Au fond, la justice spatiale est aussi difficile à faire admettre que la justice sociale. Dans les deux cas, les groupes ou les régions aux dépens desquels s'exerce la solidarité ont tendance à protester et à s'accrocher à leurs avantages et privilèges » (L'Espace géographique, 1978).
L'aménagement du territoire s'inscrit doublement dans le temps. En effet, la situation actuelle dépend des actions entreprises dans le passé ; par ailleurs, les actions du moment conditionnent[...]
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Écrit par
- François TAULELLE : maître de conférences en aménagement et urbanisme, université de Toulouse-Le Mirail
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