AMÉRINDIENS Hauts plateaux andins
Culte des montagnes et des sommets
Le culte rendu aux montagnes est omniprésent chez tous les peuples andins. À l'origine chaque groupe ethnique et chaque lignage se considéraient comme autochtones, ayant émergé des profondeurs de la terre par des cavités, des lacs d'altitude ou des rochers. L'ancêtre était également représenté par une pierre et d'autres objets qui contenaient une parcelle de sa force. Toutes les montagnes n'avaient pas le même statut et encore aujourd'hui, aussi bien au Pérou qu'en Équateur septentrional, on croit que des rapports hiérarchiques et sexuels unissent des sommets de la Cordillère. On sait d'ailleurs, grâce à l'archéologie des glaciers, que des sacrifices d'enfants avaient lieu au sommet de certaines montagnes. Le culte préhispanique de ces huacas fut interdit par l'Église mais ne put pas être extirpé. Enraciné dans la topographie des lieux et par conséquent indestructible, il se maintint jusqu'à nos jours. Certes le culte officiel fut aboli et la croyance dans les ancêtres fut démonisée mais les montagnes continuèrent à inspirer crainte et respect.
Bien que chaque région ait ses propres conceptions, on peut distinguer des éléments caractéristiques de cet ensemble de croyances. Pour les peuples des Andes, les montagnes – cerro, urcu, orqo, jirka... – sont la demeure souterraine d'une humanité disparue : les Gentils, les Incas, les Yumbos ou les Chullpas selon les régions. Dans les entrailles de ces montagnes, ces entités habitent des palais dorés qui « brillent » comme des églises et qu'aucun humain ne peut visiter sans risquer sa vie. Ces espaces sont « sauvages », puisqu'ils n'ont pas été « domestiqués » par l'homme comme c'est le cas des terrains cultivés. Ils contiennent par conséquent une énergie, décrite souvent comme une « force » qui peut nuire aux humains s'ils ne prennent pas certaines précautions dans la traversée de ces lieux d'altitude. Les paysans croient aussi que les Anciens y ont enfoui des trésors pour les soustraire à la cupidité des Espagnols. Tout vestige archéologique est censé participer de cette force tellurique à l'état sauvage. On dit volontiers que les sommets « repoussent » ceux qui s'y aventurent : une tempête subite égare le voyageur imprudent, quand ce ne sont pas des émanations invisibles et néfastes qui « frappent » son corps, l'affaiblissent et finissent par le tuer si rien n'est fait pour restaurer son double animique blessé par ces entités naturelles. Cette maladie de la montagne peut prendre des noms différents, aussi bien en quechua, en aymara ou en espagnol, mais ce contact est toujours dangereux et provoque une déperdition des forces vitales qui peut aboutir à la mort de la victime. Il faut donc que ceux qui circulent dans ces espaces inquiétants fassent des offrandes à la montagne, évitent de s'endormir sur le sol, contournent les marécages conçus comme les réservoirs des arcs-en-ciel souterrains et refusent de chercher l'or enterré des Anciens. Il existe pourtant des personnes – généralement des hommes – qui sont capables de supporter de telles agressions et deviennent des « serviteurs » de la montagne capables de guérir les maux qu'elle provoque. En Bolivie, le terme yatiri signifie « celui qui sait » et correspond à entendido, en espagnol, ou à yachac en quechua. Ces spécialistes peuvent entrer en contact avec le monde des esprits, et y puiser des pouvoirs pour déjouer le mal. Tous les guérisseurs n'ont pas le même rang. En Bolivie, le paqo recourt à des techniques divinatoires, notamment la lecture de la coca. Il sait aussi comment il faut agencer les tables d'offrandes. Ailleurs, un « homme qui sait » peut lire dans les entrailles d'un cochon d'Inde sacrifié la nature de la maladie qui ronge[...]
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Écrit par
- Carmen BERNAND : professeur émérite à l'université de Paris-X, membre de l'Institut universitaire de France
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