AMÉRINDIENS Hauts plateaux andins
Millénarismes andins
Après la conquête, l'exécution, à trente ans d'intervalle, d'Atahualpa et du jeune Tupac Amaru donna lieu à des croyances millénaristes nourries également d'eschatologie chrétienne. Le chroniqueur Cieza de León rapporta qu'Atahualpa, avant de mourir garrotté, aurait déclaré qu'il reviendrait sous la forme d'un serpent. En 1572, la tête de l'Inca rebelle Tupac Amaru, exposée sur la place de Cuzco, s'embellit, raconte-t-on, d'heure en heure. Pour éviter qu'elle ne rejoigne le corps et que le défunt ne se reconstitue, le vice-roi Toledo donne l'ordre d'ensevelir la dépouille. Par la suite des croyances dans le « retour » de l'Inca se diffusent dans toute la région. Elles se fondent sur la notion andine de pachacuti, qui signifie « renversement » et « bouleversement ». À l'époque moderne, ces croyances millénaristes, manipulées souvent en fonction d'objectifs politiques, fleurissent à plusieurs occasions. Le thème du retour de l'Inca s'insère dans d'autres traditions comme des danses, des courses de taureaux et des représentations théâtrales populaires qui mettent en scène le conflit entre Indiens et Espagnols ainsi que le renversement final. Ce qu'on appelle « l'utopie andine » a connu un regain d'intérêt dans les années 1960 avec la découverte, dans plusieurs quartiers défavorisés des villes péruviennes, de nombreuses versions du mythe d'Inkarri. Après la conquête, dit le récit, la tête de l'Inca fut séparée de son corps et depuis ces temps-là les Indiens souffrent pauvreté et humiliations. Lorsque ces deux parties se rejoindront, cette période de désordre, de confusion et d'obscurité prendra fin et les hommes récupéreront leur histoire. C'est en tout cas ce qui ressort du discours des dirigeants indianistes actuels qui proposent de réaliser enfin les attentes du mythe.
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Écrit par
- Carmen BERNAND : professeur émérite à l'université de Paris-X, membre de l'Institut universitaire de France
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